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Déclaration Fiducia Supplicans : «à la lumière de sainte Thérèse de Lisieux, Docteur de la Miséricorde» (2/2)

P. François-Marie Léthel, carme déchaux, théologien français, a fait parvenir à notre blog ses réflexions sur la récente Déclaration Fiducia Supplicans, publiée le 18 décembre 2023 par le Dicastère pour la Doctrine de la foi et signée par le pape François. La première partie du texte du P. Léthel a été publié hier, le 16 avril 2024.

Dans la deuxième partie de ses réflexions, le prêtre français s’arrête sur « des aspects problématiques » de la Déclaration Fiducia Supplicans qui concernent « le rapprochement entre les couples irréguliers (entre un homme et une femme) et les couples de même sexe ». Il souligne qu’« au plan biblique, rien ne peut justifier la bénédiction d’un couple de même sexe ». « Si Dieu ne bénit pas un tel couple, comment l’Église pourrait-elle le bénir, même avec une bénédiction spontanée? », se demande-t-il.

La « décision pastorale » de Mgr d’Ornellas, archevêque de Rennes, lui « semble la meilleure »:  « Il est opportun de bénir de façon spontanée, individuellement, chacune des personnes formant un couple, quelle que soit leur orientation sexuelle, qui demandent la bénédiction de Dieu avec humilité et dans le désir de se conformer de plus en plus à sa sainte volonté. »

P. Léthel est consulteur du Dicastère pour les causes des saints et membre de l’Académie pontificale de théologie. Il a été invité par le pape Benoît XVI à prêcher la retraite de Carême au pape et à la curie en 2011 sur le thème : « La lumière du Christ au cœur de l’Église – Jean-Paul II et la théologie des saints ». Le pape Benoît XVI lui a adressé une lettre de remerciements.

Le père Léthel est l’auteur de nombreux articles et études sur la théologie des saints.

Voici la deuxième et dernière partie de son texte.

Réflexion concernant la Déclaration Fiducia Supplicans, à la lumière de sainte Thérèse de Lisieux, Docteur de la Miséricorde

L’exemple de Jésus, le Bon Pasteur

Comme Jésus, Thérèse n’a pas craint pas d’être assise comme une sœur à la table des pécheurs en intercédant pour leur salut (n. 26). « Elle partageait l’amour miséricordieux du Père pour l’enfant pécheur, et celui du Bon Pasteur pour les brebis perdues, éloignées, blessées » (n. 9).

Un des plus beaux exemples nous est donné dans l’Évangile de Jean, dans la rencontre de Jésus avec la femme adultère. La parole qu’il adresse à ses accusateurs s’adresse toujours à nous: « Que celui qui est sans péché soit le premier à lui jeter la pierre » (Jn 8, 7). Cette parole de Jésus abolit la peine de mort prévue dans l’Ancien Testament aussi bien pour les adultères que pour les homosexuels. C’est là un des principaux enseignements de notre Pape François dans la pure logique de l’Évangile: Ne jamais « jeter la pierre » à nos frères en nous rappelant que nous sommes tous pécheurs. C’est donc le refus de toute forme d’homophobie.

La parole suivante est adressée par Jésus à la femme adultère, quand tous ses accusateurs se sont retirés et qu’elle reste seule devant Celui qui est sans péché: « Moi non plus je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus » (Jn 8, 11). Il est clair que Jésus ne bénit pas son péché, ce couple adultère qu’elle formait avec son amant, mais il l’appelle à la conversion. Le prêtre, ministre du Bon Pasteur ne cesse de redire cette parole, tout en se reconnaissant lui-même comme pécheur appelé à la conversion.

Couples irréguliers et couples de même sexe?

Un des aspects problématiques de la Déclaration concerne le rapprochement entre les couples irréguliers (entre un homme et une femme) et les couples de même sexe. Or, on ne peut pas les assimiler, car le second type de couple est « contre nature » et d’une certaine manière une « structure de péché ». Un couple irrégulier entre un homme et une femme pourrait être plus tard « régularisé », par exemple après la mort des conjoints légitimes. Ainsi, Dieu n’a pas béni le couple adultère de David et de Bethsabée, la femme d’Urie. Il les a même sévèrement punis, et leur enfant est mort. Ensuite, David s’est repenti, et Salomon est né légitimement de leur union (cf Mt 1, 6).

L’Église ne peut bénir que ce que Dieu bénit, en se soumettant toujours à sa Parole. Or, le seul couple que Dieu bénit est constitué par l’homme et la femme qu’il a créés à son image et à sa ressemblance (cf Gn 1, 27-28), appelés par Lui à devenir « une seule chair » dans le mariage (cf 2, 24). Au plan biblique, rien ne peut justifier la bénédiction d’un couple de même sexe. Si Dieu ne bénit pas un tel couple, comment l’Église pourrait-elle le bénir, même avec une bénédiction spontanée?

Comme Consulteur du Dicastère pour les Causes des Saints, j’ai étudié plusieurs cas de sainteté dans le mariage, en contemplant la sainteté de chacun des époux et leur sainteté commune comme couple. Une telle sainteté commune n’est pas possible pour un couple de même sexe, car ce n’est pas Dieu qui les unit. Mais il reste vrai que chacune des deux personnes est appelée à la sainteté et qu’il convient de la bénir. Il convient de les bénir séparément, et non pas en tant que couple. Dans la bénédiction, il faut en quelque manière séparer ce que Dieu n’a pas uni! Il conviendra d’approfondir une vraie pastorale de la sainteté pour les personnes homosexuelles. Il faut revaloriser la chasteté qui est demandée à tous, dans tous les différents états de vie.

C’est là le point le plus délicat de la Déclaration, comme le note justement Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, dans son communiqué du 1er janvier 2024, signé par tous les évêques de sa Province ecclésiastique. À propos de la « possibilité de bénir les couples de même sexe » affirmée par la Déclaration, il écrit: « Alors qu’elle traite maintenant de son objet, la Déclaration n’explicite pas le raisonnement qui la fait passer des « personnes » aux « couples » (…) Pourtant, le mot « couple » a une signification particulière qui aurait mérité une explication ».

Sa décision pastorale me semble la meilleure: « C’est pourquoi, il est opportun de bénir de façon spontanée, individuellement, chacune des personnes formant un couple, quelle que soit leur orientation sexuelle, qui demandent la bénédiction de Dieu avec humilité et dans le désir de se conformer de plus en plus à sa sainte volonté ». Telle est la ligne que je suivrai personnellement.

 Lisieux, le 16 janvier 2024

François-Marie Léthel ocd

Consulteur du Dicastère pour les Causes des saints

Membre de l’Académie Pontificale de Théologie

Photo : www.institutjeandelacroix.org

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