Réflexions de l’archevêque de Paris
Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris, publie une déclaration dans laquelle il affirme que « davantage qu’une aide à mourir, c’est d’une aide à vivre dont notre société a besoin ». « S’il existe encore une liberté à conquérir, écrit-il, c’est, aujourd’hui, la liberté de ne pas être poussé vers la sortie, de bénéficier de tous les soins … S’il existe encore un droit à reconnaître, c’est le droit d’être considéré comme une personne vivante, une histoire unique, une dignité ineffaçable, jusqu’au bout. » Pour l’archevêque de Paris, « la mort n’est là que quand la vie s’est éteinte, pas avant ». Il souligne que « les changements sémantiques ne pourront jamais cacher que l’aide fraternelle à mourir est toujours la mort donnée par autrui, même si cet autrui est un collège professionnel ».
Dans une déclaration publiée sur le site du diocèse de Paris, le 27 mai 2024, Mgr Ulrich note que cette « majorité des Français » qui se déclarent « pour l’aide à mourir » ce sont des Français « qui ont peur de la souffrance possible à l’approche de la mort, et c’est légitime ». « Les personnes qui sont accompagnées » dans des services de soins palliatifs « ne demandent pas la mort », affirme l’archevêque. « Elles demandent, explique-t-il, à être soutenues dans leur chemin, soulagées dans leur douleur, entourées si l’angoisse vient. » Et elles « sont effectivement soutenues, soulagées, entourées », constate-t-il, notant que « les soins palliatifs ne soient pas partout accessibles » et « que le précédent plan de déploiement sur le territoire n’ait pas été achevé ». Selon l’archevêque, il est « indispensable » d’accélérer « la mise en place sur tout le territoire des soins palliatifs prévue dans le projet de loi dont l’examen débute au Parlement ».
Mgr Ulrich invite à être réaliste et à comprendre que même si – comme « il est fixé dans le projet de loi actuel » – le recours à l’aide à mourir « est strictement encadré », « c’est bien à notre système de soins tel qu’il est – et non à un système de santé idéal ou idéalisé – qu’il sera confié d’encadrer ces gestes ».
L’archevêque pose à ses lecteurs des questions qui font réfléchir : « Comment pouvons-nous croire que nos établissements de santé » pourront « supporter » ce projet de loi? « Ces mêmes établissements » « où parfois, malgré les efforts des médecins et des infirmiers, on meurt dans les couloirs des urgences sans avoir été pris en charge ? Comment pouvons-nous croire que ce système de soins-ci sera en mesure d’absorber la charge de travail et la charge psychologique, que la réalisation humaine d’un geste aussi grave implique ? Comment pouvons-nous croire que l’euthanasie ou le suicide assisté seront réalisés dans le respect de ce que la loi prévoit, sans risque d’approximations ou de raccourcis ? Mais aussi, comment pouvons-nous imposer aux soignants d’être ainsi tiraillés entre le geste qui soigne, auquel ils ont consacré leur vie, et celui qui tue ? »
Mgr Ulrich rappelle aussi que « le parcours naturel de toute loi sociétale » s’élargit « au fil du temps, de sorte qu’en l’espace d’une génération, un texte, qui ne concernait que quelques cas exceptionnels, devient d’application bien plus vaste ». « Et le premier critère à disparaître … ne sera-t-il pas celui d’un pronostic vital engagé, ouvrant ainsi la voie à l’euthanasie ou au suicide assisté pour des personnes en situation de handicap ou de dépression ? »
L’archevêque de Paris affirme que « l’ouverture d’une brèche » dans « l’interdit de tuer » « comporte le risque énorme de voir se multiplier les cas d’exception qui auront été admis en très petit nombre dans le projet de loi initial ».
Pour Mgr Ulrich, « la question qui nous est posée aujourd’hui est celle du regard que nous portons sur les personnes en fin de vie ». Il réaffirme « que le progrès et l’humanité d’une société se mesurent aussi à la manière dont elle considère les plus faibles, les plus petits et les plus fragiles ».
Il rappelle qu’« il existe aujourd’hui des moyens sans cesse en progrès qui permettent précisément cela : lutter contre la douleur, accompagner fraternellement, éviter toute forme d’acharnement thérapeutique ». « Ces moyens », conclut-il, « qui ont fait leurs preuves, peuvent et doivent être davantage appliqués ; c’est la dette de notre société vis-à-vis des personnes malades que de s’y employer, avant que de céder à la tentation d’une fuite en avant qui entretiendra davantage l’angoisse et les conflits que l’apaisement auquel tous aspirent ».
Photo : eglise.catholique.fr