Ouverture des travaux du synode
« C’est l’Esprit qui conduit l’Église à connaître la vérité », a rappelé le cardinal Mario Grech, Secrétaire général du synode, le 2 octobre 2024, dans la Salle Paul VI du Vatican, lors de la première « Congrégation générale » de la seconde session du XVIe synode ordinaire des évêques sur le thème « Pour une Église synodale: communion, participation et mission » (2-27 octobre 2024).
Allocution du cardinal Grech
Bienvenue! À tous, sœurs et frères en Christ, j’adresse nos salutations.
Convoqués pour la deuxième session de l’Assemblée, nous invoquons l’Esprit pour qu’il nous éclaire et rende nos oreilles attentives à sa Voix. L’Esprit qui, des profondeurs d’une création violée et de créatures subissant injustice sur injustice, gémit et souffre dans l’enfantement qui va donner naissance à une saison nouvelle.
Alors que nous célébrons cette Assemblée, des guerres se déroulent dans de nombreuses régions du monde! Nous sommes au bord d’une extension du conflit. Combien de générations devront s’écouler avant que les peuples en guerre puissent de nouveau «s’asseoir ensemble» et se parler, pour construire ensemble un avenir pacifique?
Nous entourons les sœurs et frères présents dans cette salle qui viennent de zones de guerre ou de nations où les libertés fondamentales des peuples sont bafouées. Dans leurs voix, nous pouvons entendre les cris et les larmes de ceux qui souffrent sous les bombes, en particulier les enfants, qui respirent ce climat de haine. En tant que croyants, nous sommes appelés à désirer et à prier pour le don précieux de la paix pour tous les peuples.
À la prière continue, nous devons toujours associer un témoignage crédible. Cette Assemblée est elle-même un témoignage crédible! Le fait que des hommes et des femmes soient venus de toutes les parties de la terre pour écouter l’Esprit en s’écoutant les uns les autres est un signe de contradiction pour le monde. Le dernier passage du discours du Saint-Père à l’occasion du 50e anniversaire de l’institution du Synode des Évêques (17 octobre 2017) me vient à l’esprit: «Une Église synodale est comme un étendard levé parmi les nations (cf. Is 11,12) dans un monde qui – même en invoquant la participation, la solidarité et la transparence dans l’administration des affaires publiques – remet souvent le destin de populations entières entre les mains avides de groupes restreints de pouvoir».
Le Synode est essentiellement une école de discernement: c’est l’Église rassemblée avec Pierre pour discerner ensemble. Une Église synodale est une proposition faite à la société d’aujourd’hui: le discernement est le fruit d’un exercice mûr de la synodalité comme style et méthode. Le discernement ecclésial peut être un défi et un exemple pour tout type d’assemblée, qui doit trouver dans l’écoute réciproque la règle d’or pour la recherche de la vérité et du bien commun. Sans oublier que le discernement est un «pont» par lequel croyants et non-croyants peuvent s’écouter et se comprendre grâce à une grammaire commune. Ce n’est pas moi qui le dis, mais un auteur laïc, Umberto Eco. L’horizon de notre Assemblée est celui de l’Église, mais le souhait est que le résultat de notre travail sur les relations, sur les processus, sur les lieux puisse aider tous les hommes et contribuer à la construction d’un monde plus juste.
Beaucoup pensent que le but du Synode est un changement structurel dans l’Église, une réforme. Il s’agit d’une inquiétude, d’un désir qui traverse toute l’Église. Nous la désirons tous, mais nous n’avons pas tous la même idée de la réforme et de ses priorités. En 1950, Yves Congar parlait déjà de «vraie ou fausse réforme de l’Église». Pour qu’elle soit vraie, il faut que nos priorités aussi soient vraies, qu’elles soient soumises à «l’Esprit de vérité qui conduit l’Église dans la vérité tout entière» (Jn 16,13). Si l’Esprit Saint n’avait pas la primauté dans nos travaux, l’objectif du Synode serait administratif, juridique ou politique, non ecclésial!
C’est l’Esprit qui conduit l’Église à connaître la vérité. Le Concile nous rappelle que «Dieu, qui a parlé jadis, ne cesse de converser avec l’Épouse de son Fils bien-aimé, et l’Esprit Saint, par qui la voix vivante de l’Évangile retentit dans l’Église et, par l’Église, dans le monde, introduit les croyants dans la vérité tout entière et fait que la parole du Christ réside en eux avec toute sa richesse» (DV 8c). Pour expliquer comment cela peut se produire, la Constitution Dei Verbum rappelle que «la perception des réalités aussi bien que des paroles transmises s’accroît, soit par la contemplation et l’étude des croyants qui les méditent en leur cœur (cf. Lc 2,19.51), soit par l’intelligence intérieure qu’ils éprouvent des réalités spirituelles, soit par la prédication de ceux qui, avec la succession épiscopale, ont reçu un charisme certain de vérité» (DV8b).
Ce sont ces sujets qui rendent possible le dynamisme de la Tradition, qui «progresse dans l’Église « sub assistentia Spiritus Sancti » (DV 8b). Ces sujets ne sont autres que l’Église elle-même, le Peuple de Dieu rassemblé par ses Pasteurs, qui «reste assidûment fidèle à l’enseignement des Apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières (cf. Ac 2,42), si bien que, pour le maintien, la pratique et la profession de la foi transmise, s’établit, entre pasteurs et fidèles, un remarquable accord» (DV 10). Le consensus des Églises était pour l’Église primitive un critère sûr de la vérité du Christ: ce que l’Église croit est vrai, parce que la totalité des baptisés ne peut se tromper en croyant, en vertu du don de l’Esprit.
Dès le début de ce processus synodal, nous avons réaffirmé qu’il est fondé sur cette vérité: le discernement ecclésial, l’écoute mutuelle pour entendre ce que l’Esprit dit à l’Église. C’est une écoute qui a sous-tendu toutes les étapes du processus: la consultation du saint Peuple de Dieu dans les Églises locales, le discernement des Pasteurs dans les Conférences épiscopales, le discernement ultérieur dans les Assemblées continentales, la double session de l’Assemblée autour du Saint-Père, principe et fondement de l’unité de toute l’Église. Ainsi énumérées, les étapes semblent former un processus linéaire, où le Peuple de Dieu n’apparaît qu’au début pour donner l’illusion de participer à un processus de décision qui reste cependant concentré dans les mains de quelques-uns. Si tel était le cas, ils auraient raison ceux qui soutiennent que le processus synodal, une fois passé au stade du discernement des Évêques, a éteint tout élan prophétique du Peuple de Dieu!
Mais le «consensus universel», fruit du discernement, provient de l’écoute de tous. Il vaut la peine de répéter ce que le Saint-Père a dit à l’occasion du 50e anniversaire de l’institution du Synode: «une Église synodale est une Église de l’écoute», où tous – le saint Peuple de Dieu, le Collège épiscopal, l’Évêque de Rome – sont appelés à s’écouter les uns les autres, à entendre ce que l’Esprit dit aux Églises. Pour garantir que cette écoute soit celle de tous et implique toujours tous – c’est-à-dire l’Église – nous avons mis en œuvre le principe de la restitution. Toujours, à chaque passage qui fixe le discernement ecclésial en cours dans un texte, nous avons restitué aux Églises le fruit de l’écoute.
Il ne s’agit pas d’un acte de courtoisie. Il s’agit au contraire d’un acte dû, d’une application du principe de circularité qui doit régir la vie de l’Église. Envoyer chaque document à l’Évêque, «principe et fondement de l’unité de son Église», signifie restituer le fruit du discernement au sujet d’où tout le processus synodal est parti – le Peuple de Dieu – afin que la réponse des Églises puisse donner un nouvel élan au discernement ecclésial. Le sens ultime de cette restitution est ecclésial: si l’Église est «le corps des Églises», «dans lequel et à partir duquel existe l’Église catholique une et unique» (LG 23), le Synode est un processus qui engage toute l’Église et tous dans l’Église, chacun selon sa fonction, son charisme et son ministère.
Cela engage le Secrétariat Général du Synode, qui «selon des modes et des normes établis ou à établir, apportent au par le Pontife romain une aide efficace pour le bien de toute l’Église» (EP 33). Grâce à une circularité continue, il sera possible de mûrir un style et une forme d’Église synodale, dans laquelle s’applique le principe de l’échange de dons: qu’il arrive bientôt que chaque Église «apporte aux autres Églises et à toute l’Église le bénéfice de ses propres dons, en sorte que l’Ecclesia tota et chaque Église puissent bénéficier de l’échange mutuel de toutes et de l’effort commun vers le salut» (LG 13).
Cela concerne chaque Évêque dans son Église. Une Église synodale dépend largement d’un évêque synodal. Sa tâche première et fondamentale est d’être le maître et le garant du discernement ecclésial. Cette tâche s’applique tout d’abord dans sa propre Église, où il exerce son ministère de guide. Mais, elle ne s’applique pas moins avec les autres évêques dans les organismes qui manifestent les regroupements d’Églises. Ainsi, l’évêque qui a lancé la consultation dans son Église et activés des organismes participatifs comme sujets du discernement ecclésial, poursuit ce discernement dans la Conférence épiscopale et dans les Assemblées continentales, que le processus synodal nous a fournies comme «lieu» significatif d’écoute des Églises d’un continent. Il faudra continuer à réfléchir sur cet aspect au niveau théologique, canonique et pastoral.
Ce processus ordonné profite grandement au ministère pétrinien, qui apparaît de plus en plus comme le service de l’unité de l’Église et dans l’Église: de la communio Ecclesiarum, Fidelium, Episcoporum, il est «le principe perpétuel et visible et le fondement de l’unité», qui a appelé toute l’Église à l’action synodale et qui, pour le bien de l’Église, recueille et restitue les fruits du discernement, en vertu de son ministère de sollicitude à l’égard de toutes les Églises. Cela s’applique à cette XVIe Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques, qui a pour thème la synodalité. Mais elle peut devenir le style et la manière de procéder dans une Église synodale, qui a également redécouvert, avec l’Esprit qui parle à l’Église, le pouvoir du discernement ecclésial comme fruit de l’écoute de l’Esprit par l’écoute réciproque de tous dans l’Église. Le ministère pétrinien est l’axe de la synodalité catholique, et le processus synodal vise à aider Pierre dans son discernement pour toute l’Église.
Un travail intense nous attend. Après cette phase suivra celle de la mise en œuvre réceptive de ce qui a mûri dans le processus synodal 2021-2024. Les Églises seront d’autant plus réceptives au résultat qu’il ne sera pas le fruit de nos propres efforts, mais le fruit d’une écoute docile de l’Esprit. Comme l’écrit saint Thomas: «Actus credentis non terminatur ad enuntiabile, sed ad rem» (Somme théol., IIª-IIae, qu. 1, a. 2, ad 2). C’est une maxime que nous pouvons traduire dans une dimension ecclésiale: l’acte d’une Église qui croit – cette Assemblée – ne se termine pas par une déclaration théorique, un Document final, mais par la vie concrète de l’Église, une Église qui vit l’Évangile, qui chemine ensemble dans la force de l’Esprit vers l’accomplissement du Royaume. Bon travail!
[Texte original: Italien]
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