Photo : © Basilique du Sacré-Cœur, Paris
Anita Bourdin
« Vous êtes appelés à une tâche grande et passionnante : celle de construire des ponts », déclare le pape François au personnel chargé de la communication du Vatican, les invitant à faire connaître le Cœur du Christ et sa compassion pour l’humanité.
Le pape François a reçu en audience les participants de l’assemblée plénière du Dicastère pour la communication, jeudi matin 31 octobre 2024. Il s’est adressé, en italien, à ce qu’il appelle une « grande communauté de travail ». Il a aussi abordé une question qui fâche…
« Le mal ne l’emportera pas »
Le pape a invité à faire connaître l’amour du Cœur du Christ, auquel il a consacré sa dernière encyclique, Dilexit nos
(https://www.vatican.va/content/francesco/fr/encyclicals/documents/20241024-enciclica-dilexit-nos.html) : « Aidez-moi, s’il vous plaît, à faire connaître au monde le Cœur de Jésus, par la compassion pour cette terre blessée. Aidez-moi, par la communication, à faire en sorte que le monde, « qui survit au milieu des guerres, des déséquilibres socio-économiques, du consumérisme et de l’utilisation anti-humaine de la technologie, puisse récupérer ce qu’il y a de plus important et de plus nécessaire : le cœur » (Dilexit nos, 31). Aidez-moi par la communication qui est un instrument de communion. Même si le monde est secoué par des violences terribles, nous, chrétiens, nous savons garder de nombreuses flammèches d’espérance, de nombreuses petites et grandes histoires de bien. Nous sommes certains que le mal ne l’emportera pas, car c’est Dieu qui guide l’histoire et sauve nos vies. »
Le pape a pris appui sur un passage de la lettre de saint Paul aux Éphésiens lu à la messe du jour: « Oui, tenez bon, ayant autour des reins le ceinturon de la vérité, portant la cuirasse de la justice, les pieds chaussés de l’ardeur à annoncer l’Évangile de la paix » (Ep 6, 14-15). Cela pourrait aussi être l’identité d’un bon communicateur, n’est-ce pas ? »
« Communiquer avec le cœur »
Avec des accents qui rappellent la prière de saint François d’Assise pour la paix, le pape François a développé comment il voit la « vocation » des chargés de communication: « En effet, vous avez une vocation, c’est une mission ! Par votre travail et votre créativité, par l’utilisation intelligente des moyens que la technologie met à disposition, mais surtout avec votre cœur : vous communiquez avec le cœur. Vous êtes appelés à une tâche grande et passionnante : celle de construire des ponts, alors que tant de gens construisent des murs, des murs d’idéologies ; celui de promouvoir la communion, alors que tant de gens fomentent la division ; celui de se mêler aux drames de notre époque, où beaucoup préfèrent l’indifférence. Cette culture de l’indifférence, cette culture du “se laver les mains” : « ce n’est pas mon affaire, qu’ils se débrouillent ». Cela fait tellement mal ! »
Et puis le pape est revenu sur le thème du synode, la synodalité, mais appliquée à la communication : « En ces jours de votre plénière, vous vous êtes demandé comment favoriser une communication qui soit “constitutivement synodale”. Le synode sur la synodalité que nous venons de conclure devient maintenant un chemin ordinaire qui doit trouver son chemin – un chemin qui part de l’époque où saint Paul VI créait le Secrétariat du synode des évêques – ; cela devient le style par lequel nous vivons la communion dans l’Église, un style synodal. Dans chaque expression de notre vie communautaire, nous sommes appelés à répercuter cet amour divin qui dans le Christ nous a attirés et nous attire. Et c’est ce qui caractérise l’appartenance ecclésiale : si nous raisonnions et si nous agissions selon des catégories politiques ou corporatives, nous ne serions pas Église. Cela ne va pas! Si nous appliquions des critères mondains ou si nous réduisions nos structures à la bureaucratie, nous ne serions pas Église. Être Église signifie vivre dans la conscience que le Seigneur nous aime le premier, nous appelle le premier, nous pardonne le premier (cf. Rm 5, 8). Et nous sommes témoins de cette miséricorde infinie, qui s’est répandue gratuitement sur nous, changeant nos vies. »
Le pape insiste sur ce rôle d’artisans de communion: « C’est précisément en tant que communicateurs, en effet, que vous êtes appelés à tisser autour de votre taille la communion ecclésiale avec la vérité pour ceinture, la justice comme cuirasse, les pieds chaussés et prêts à propager l’Évangile de paix. »
« Travailler pour la paix »
Et le pape s’est félicité de l’ajout de trois nouvelles langues dans la communication vaticane: « Je rêve d’une communication qui puisse connecter les gens et les cultures. Je rêve d’une communication capable de raconter et de valoriser des histoires et des témoignages qui se produisent aux quatre coins du monde, en les mettant en circulation et en les offrant à tous. C’est pourquoi je suis heureux de savoir que – malgré les difficultés économiques et la nécessité de réduire les dépenses, j’en parlerai plus tard – vous avez travaillé dur pour augmenter l’offre de plus de cinquante langues dans lesquelles communiquent les médias du Vatican, en ajoutant le lingala (langue bantoue parlée en RDC et au Congo, en Angola ou en République centrafricaine, ndlr), le mongol et le kannada (langue de l’État de Karnataka, en Inde, ndlr). »
Dans la ligne de son encyclique sur le Cœur du Christ, Dilexit nos, publiée le 24 octobre, le pape a insisté sur l’importance du « cœur » aussi dans la communication: « Je rêve d’une communication de cœur à cœur, de nous laisser impliquer dans ce qui est humain, de nous laisser blesser par les tragédies vécues par tant de nos frères et sœurs. C’est pourquoi je vous invite à sortir davantage, à oser davantage, à risquer davantage, non pas pour diffuser vos idées, mais pour parler de la réalité avec honnêteté et passion. Je rêve d’une communication qui sache dépasser les slogans et mettre en lumière les pauvres, les derniers, les migrants, les victimes de la guerre. Une communication qui favorise l’inclusion, le dialogue et la recherche de la paix. »
Le pape a insisté sur l’urgence de travailler pour la paix: « Comme il est urgent de donner de l’espace aux artisans de la paix ! Ne vous lassez pas de raconter leurs témoignages, partout dans le monde. »
« Une histoire de rencontres »
Autre thème fondamental, au synode, l’écoute: « Je rêve d’une communication qui nous apprend à abandonner un peu nous-mêmes pour laisser la place aux autres ; une communication passionnée, curieuse, compétente, qui sait s’immerger dans la réalité pour pouvoir la raconter. Cela nous fait du bien d’écouter des histoires à saveur évangélique, qui, aujourd’hui comme il y a deux mille ans, nous parlent de Dieu tel que Jésus, son Fils, l’a révélé au monde. »
En somme, le pape invite à l’audace, sans réduire le travail de communication à son aspect technique, mais en privilégiant les rencontres, comme il y invite dans sa nouvelle encyclique: « Frères et sœurs, n’ayez pas peur de vous impliquer, de changer, d’apprendre de nouvelles langues, de parcourir de nouveaux chemins, d’habiter l’environnement numérique. Faites-le toujours sans vous laisser absorber par les outils que vous utilisez, sans faire de l’outil un « message », sans banaliser, sans « substituer » des relations humaines vraies, concrètes, de personne à personne dans la réunion en ligne. L’Évangile est une histoire de rencontres, de gestes, de regards, de dialogues dans la rue et à table. Je rêve d’une communication qui puisse témoigner aujourd’hui de la beauté des rencontres avec la Samaritaine, avec Nicodème, avec la femme adultère, avec l’aveugle Bartimée… Jésus, comme je l’ai écrit dans la nouvelle encyclique Dilexit nos, « prête toute son attention aux gens, à leurs soucis, à leurs souffrances » (n. 40). Nous, communicateurs, sommes appelés à faire de même, car en rencontrant l’amour, l’amour de Jésus, « nous devenons capables de tisser des liens fraternels, de reconnaître la dignité de tout être humain et de prendre ensemble soin de notre maison commune » (ibid.). »
Réduction du budget et Jubilé
Le pape a abordé la question qui fâche, celle des finances du dicastère: « Il va falloir faire un peu plus de discipline financière. Vous devez trouver le moyen d’économiser davantage et chercher d’autres fonds, car le Saint-Siège ne peut pas continuer à vous aider comme il le fait actuellement. Je sais que c’est une mauvaise nouvelle, mais c’est aussi une bonne nouvelle, car cela stimule votre créativité à tous. »
Pourtant, il a aussi évoqué le Jubilé 2025, marquant l’anniversaire du Concile de Nicée (325), alors que les jubilés habituellement signifient des dépenses supplémentaires: « Le Jubilé, que nous commencerons dans quelques semaines, est une grande occasion de témoigner au monde de notre foi et de notre espérance. Je vous remercie d’avance pour tout ce que vous faites, pour l’engagement du Dicastère en faveur des pèlerins qui viendront à Rome et de ceux qui ne pourront pas voyager, mais qui grâce aux médias du Vatican pourront suivre les célébrations du Jubilé en se sentant unis avec nous. Merci, merci beaucoup ! »
Le pape a aussi salué Mme Gloria Fontana dont c’était le dernier jour de travail: « Après 48 ans de service : elle est entrée le jour de sa première communion, je crois. Elle a rendu un grand service caché, se consacrant à la transcription des discours du Pape. »