Photo : © capture-Gabriel Klum; Le Rév. Gilles Routhier; la conférence avec la presse du 23 octobre 2024
Gabriel Klum
Une fois « désamorcées les torpilles » on arrive à « un débat plus serein », explique avec humour le Rév. Routhier, prêtre canadien, à propos de l’autorité des Conférences épiscopales, qui a effectivement suscité des débats au synode.
Le Rév. Gilles Routhier est « expert » au synode. Il a fait sa thèse sur la réception, dans le diocèse de Québec, de l’enseignement de Vatican II sur le gouvernement ecclésial. Il est professeur à l’Université Laval, à Québec. Sa recherche a surtout porté sur le concile Vatican II, son enseignement, son histoire, son herméneutique et sa réception.
De quelle autorité parle-t-on?
Le p. Routhier a d’abord rappelé que la question de l’autorité des Conférences épiscopales, et spécialement leur autorité « doctrinale », est un sujet qui revient: 1985, 1998, 2013, dans « Evangelii Gaudium ». Le sujet a « rebondi » » lors de cette seconde session du synode sur la synodalité d’octobre 2024. Le synode s’en est « saisi »: « dans l’Église synodale, quelle est l’autorité doctrinale des Conférences épiscopales? »
Mais de quoi parle-t-on exactement? S’agirait-il de pouvoir proclamer un « nouveau dogme »? Le p. Routhier répond que les Conférences épiscopales n’ont pas une « autorité absolue », mais une « autorité qui comprend des limites », comme « la communion avec l’Église » et ne peuvent se comporter à la légère. Il remarque qu’alors des « peurs » se manifestent lorsqu’on aborde la question: « on craint une fragmentation de l’Église ». Mais il ajoute: « Ce n’est pas de cela qu’il s’agit. »
Il explique que « dans chaque pays ou territoire », les Conférences épiscopales ont une compétence pour « enseigner de façon authentique la foi commune pour qu’elle réponde aux questions de ce peuple, sur ce territoire donné ou pour rencontrer les défis contemporains ».
Il prend pour exemple la « lettre pastorale sur les migrants » publiée par les évêques d’Irlande, reconnaissant qu’elle « touche des questions doctrinales ». Or, la « position doctrinale » doit trouver « son application dans cas concret pour éclairer le peuple de Dieu qui est en Irlande ».
Il met aussi en garde contre le danger « d’élargir indûment le terme magistère »: il faut s’en tenir à une « définition stricte ». À propos par exemple de « Fiducia Supplicans », il fait observer que « ce n’est pas le magistère du pape qui a été contesté, mais un dicastère ».
Unité, mais pas « uniformité »
Il souligne en même temps l’enjeu du travail des Conférences épiscopales: « l’unité de l’Église ne signifie pas uniformité ».
Par exemple, explique-t-il, dans un patriarcat de l’Église catholique orientale, il y a « un patrimoine spirituel, théologique, liturgique, et canonique propres »: ces Églises « témoignent de la diversité qui doit demeurer dans l’unité », et pour cela, il convient de « se donner les moyens de nourrir la communion ».
Bien sûr, au synode, surgissent des « opinions divergentes », on rencontre des points sur lesquels on n’est « pas d’accord ». Mais il rappelle que déjà à Vatican II lorsqu’on a abordé la question des « armes nucléaires » pour la rédaction de « Gaudium et Spes », l’évêque des États-Unis aux armées n’était « pas d’accord ».
Pour « réguler les tensions », il faut « nourrir la communion », et si l’on est « capable de dialoguer et d’écouter on peut les dépasser ». Si l’on cherche « l’uniformité », les choses peuvent au contraire « casser ».
Au Canada, reconnaît le théologien, en répondant à la presse, « si l’on veut donner une nouvelle énergie aux Conférences épiscopales, c’est en fonction de l’annonce de l’Évangile »: « l’enjeu est sérieux et pas seulement technique ».
Il ajoute que si, naguère, « l’enseignement social » de la Conférence épiscopale canadienne a pu être « plus prophétique », aujourd’hui, un des problèmes, c’est la diminution des « moyens financiers », des « ressources », ce qui limite par exemple « le personnel de recherche qui monte des dossiers sur des questions sociales controversées »: mais si la Conférence épiscopale « est affaiblie quant aux ressources », elle reste « dynamique ». Un autre facteur, constate-t-il, c’est « un changement de génération dans l’épiscopat ».