Photo: Card. Michael Czerny crédit © Juan della Torre CC 4.0
« Un développement technologique qui renforce la dignité et la sécurité du travail, en rétablissant les justes équilibres entre les personnes, entre le travail et l’environnement, est possible et peut être poursuivi », affirme le cardinal Michael Czerny S.J., préfet du Dicastère pour le service du développement humain intégral.
Le cardinal canadien a en effet publié, ce 12 novembre 2024, le message annuel pour la Journée mondiale de la pêche, qui sera célébrée le 21 novembre prochain. Le message s’intitule: « Que les eaux foisonnent d’une profusion d’êtres vivants ».
Le cardinal Czerny s’adresse aussi aux législateurs: «Les législateurs peuvent se démarquer des grands intérêts de quelques-uns pour intervenir en faveur des petites communautés, des entreprises familiales et des organisations de pêcheurs qui, avec les garanties appropriées, sont en mesure de contribuer plus directement et plus efficacement au bien commun. Ils ont en effet une vocation à protéger la mer qui doit être soutenue dans une perspective d’écologie intégrale généralisée et populaire. »
GK
Voici la traduction officielle en français de ce message:
« Que les eaux foisonnent d’une profusion d’êtres vivants » (Gn 1, 20)
Chers frères et sœurs,
les grandes eaux sont souvent, dans l’Écriture Sainte, le symbole de l’instabilité et de l’inquiétude que ressentent les êtres humains. Le peuple de Dieu, en revanche, est rassemblé par une espérance : l’alliance entre le ciel et la terre est stable et rend même possible la traversée de la mer. Ce sont des images qui parlent à la fois à l’intelligence et au cœur, et qui changent notre perception du travail quotidien et des défis qui nous attendent. La Journée Mondiale de la Pêche, qui a lieu chaque année, est, une particulière occasion d’approfondir notre relation avec “sœur eau” et le développement humain intégral de tous.
Le métier de pêcheur, l’un des plus anciens de l’humanité, a profondément changé en de nombreuses régions de notre planète. On peut affirmer que les blessures infligées à notre maison commune par un modèle économique agressif et diviseur affectent directement la vie et l’avenir de millions d’êtres humains qui vivent de la pêche. Des équilibres séculaires entre travail humain et nature ont été bouleversés par des méthodes prédatrices de mise en œuvre de technologies et de profits, au bénéfice d’une minorité de plus en plus influente et puissante qui ne s’intéresse pas aux effets à moyen et long terme de cette économie meurtrière. La parole créatrice, « Que les eaux foisonnent d’une profusion d’êtres vivants » (Gn 1, 20), est ainsi foulée aux pieds par une pêche intensive et arrachée à ceux qui, pendant des siècles, ont protégé les richesses de la mer, des fleuves et des grands lacs.
L’Église partage les joies et les espérances, mais aussi les tristesses et les angoisses d’une humanité appelée, en ce moment de l’histoire, à redécouvrir la fraternité comme dimension sociale et politique, et la culture de la rencontre comme alternative à la mondialisation de l’indifférence. Les chrétiens ne peuvent donc pas se détourner lorsque des écosystèmes entiers sont menacés par des modes de travail qui les dévastent et qui appauvrissent jusqu’à la famine des populations déjà éprouvées par des inégalités et des conflits. L’assemblée synodale qui vient de s’achever a été une occasion extraordinaire d’écoute mutuelle et de croissance dans la conscience que la mission de l’Église devient plus claire face à ces défis.
À tous ceux qui reconnaissent les conséquences d’un mauvais paradigme de développement, je voudrais rappeler les paroles récemment adressées par le Saint-Père François aux Mouvements populaires : « Vous êtes sortis de la passivité et du pessimisme, ne vous laissez pas abattre par la douleur ni la résignation. Vous n’avez pas accepté d’être des victimes dociles, vous vous êtes reconnus comme sujets, comme protagonistes de l’Histoire. C’est peut-être là votre plus belle contribution. Ne vous laissez pas intimider, allez de l’avant». [1] Ainsi, l’Église veut faire sentir son accompagnement et son soutien aux pêcheurs du monde.
Un développement technologique qui renforce la dignité et la sécurité du travail, en rétablissant les justes équilibres entre les personnes, entre le travail et l’environnement, est possible et peut être poursuivi. De même, les législateurs peuvent se démarquer des grands intérêts de quelques-uns pour intervenir en faveur des petites communautés, des entreprises familiales et des organisations de pêcheurs qui, avec les garanties appropriées, sont en mesure de contribuer plus directement et plus efficacement au bien commun. Ils ont en effet une vocation à protéger la mer qui doit être soutenue dans une perspective d’écologie intégrale généralisée et populaire. Une telle sensibilité met à part entière les pêcheurs parmi les membres du Corps du Christ qui coopèrent à la création d’un monde plus fidèle aux rêves de Dieu.
N’oublions pas, en tant qu’hommes et femmes d’espérance, la force silencieuse de la prière, qui doit toujours accompagner l’engagement pour la justice. Le Pape François a affirmé: « Je prie pour que ceux qui sont économiquement puissants sortent de leur isolement, qu’ils rejettent la fausse sécurité de l’argent et s’ouvrent pour partager les biens qui ont une destination universelle, parce que tous viennent de la Création. Tous les biens viennent de là et tous les biens ont une destination universelle. Il est difficile que cela advienne, c’est difficile, mais à Dieu tout est possible »[2]. Prions donc nous aussi, en confiant à l’intercession de Marie, Stella Maris, les préoccupations et les désirs des pêcheurs ainsi que de tous ceux qui bénéficient de leur travail.
Card. Michael Czerny S.J.
Préfet
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[1] François, Rencontre des Mouvements Populaires organisée par le Dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral, 20 septembre 2024.
[2] Ibid.
Texte original: Italien
© Dicastère pour la communication – Librairie éditrice du Vatican