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Jeunes travailleurs, «apprenez à garder votre cœur, à rester en paix et libres»: appel du pape François

Photo: les participants du congrès « LaborDì »; Facebook ACLI di Roma aps

Anita Bourdin

Le pape François recommande aux jeunes qui entrent dans le monde du travail de rester fidèles à leur cœur: « Apprenez à garder votre cœur, à rester en paix et libres. »

Le pape François a en effet envoyé un message, en italien, aux participants de la troisième édition du congrès « LaborDì : un chantier pour générer du travail », promu par l’Association chrétienne des travailleurs italiens (ACLI) de Rome, qui s’est tenu ce mardi 17 décembre 2024 l’Auditorium della Tecnica de la Ville éternelle.

« Ne vous pliez pas, a recommandé le pape aux jeunes, aux demandes qui vous humilient et vous mettent mal à l’aise, aux manières de procéder et aux exigences qui salissent votre authenticité. (…) Ne vous conformez pas à des modèles auxquels vous ne croyez pas, peut-être pour obtenir un prestige social ou de l’argent supplémentaire. Le mal nous aliène, éteint les rêves, nous rend seuls et résignés. Le cœur sait s’en apercevoir et, lorsqu’il en est ainsi, il faut demander de l’aide et faire équipe avec qui nous connaît et tient de nous. Il faut faire des choix. »

Voici notre traduction, rapide, de travail, du message du pape François:

Chers jeunes amis !

Je suis heureux que Labor Dì ait lieu à nouveau cette année, pour promouvoir et remettre au centre la dignité du travail. Je remercie les organisateurs, en particulier Mme Lidia Borzì, présidente des A.CL.I. de Rome.

Le travail vous est peut-être apparu jusqu’à présent comme un problème réservé aux adultes. En tant que vieil évêque de Rome, je voudrais vous dire : il n’en est pas ainsi ! Vous avez déjà beaucoup travaillé, vous savez ? Combien d’efforts et d’énergie ont été nécessaires pour votre croissance ? Certes, vous avez reçu beaucoup, mais les efforts des parents, des enseignants, des éducateurs et des amis n’auraient servi à rien sans votre réponse. C’est vrai, chacun sait aussi qu’il a gâché de bonnes opportunités à certaines occasions ; cependant, la vie elle-même ne se lasse jamais de nous appeler à sortir de nous-mêmes.

Nous avons nos « tanières ». Nous nous construisons des refuges, surtout lorsqu’il y a de la confusion et des menaces autour de nous. Mais en réalité nous sommes faits pour la lumière, pour l’extérieur. Ainsi, une fois traversée l’adolescence, la scène du monde s’ouvre devant vous. Elle peut sembler bondée et distraite à votre arrivée ; et pourtant, il manque encore votre contribution, celle pour laquelle on vous a toujours attendu. Avec vous – et je voudrais dire à chacun : avec toi – le nouveau entre dans le monde. Tout, vraiment tout peut changer.

En écoutant le cri de la terre, de l’air, de l’eau, qu’un modèle erroné de développement a tant blessé, j’ai mieux compris une réalité que je veux partager avec vous aujourd’hui : dans la création « tout est lié » (cf. Encyclique Laudato si’, 117 ; 138). C’est pourquoi la contribution de chacun de vous peut améliorer le monde. La nouveauté de chacun concerne tout le monde. Le monde du travail est un monde humain, où chacun est connecté à chacun. Et malheureusement ce « monde » aussi est pollué par des dynamiques et des comportements négatifs qui le rendent parfois invivable.

Parallèlement au souci de la création, le souci de la qualité de la vie humaine est nécessaire, la recherche de la fraternité humaine et de l’amitié sociale, parce que nos liens comptent plus que les chiffres et les performances. Cela aussi fait la différence dans le monde du travail. Et à mesure que vous vous en rapprochez, il est important que vous gardiez fermement à l’esprit à la fois la conscience de votre unicité – qui est indépendante de tout succès ou échec – et la propension à établir des relations sincères avec les autres. Dans de nombreux milieux, vous serez alors une douce révolution.

L’année dernière je vous avais suggéré l’image du chantier. En effet, l’approche du Jubilé commençait déjà à bouleverser notre belle ville. Cette année, je vous propose une autre image, qui revient souvent et partout, même dans les messages que vous échangez à tout moment. Je fais référence au cœur, que nous associons habituellement à l’amour, à l’amitié, mais qu’en réalité vous emporterez aussi avec vous au travail, tout comme il bat en vous à l’école ou à l’université.

Pour la Bible, le cœur est le lieu des décisions. Les aspirations y naissent, les rêves y surgissent, les résistances s’y font sentir, les paresses s’y insinuent. Vous connaissez votre cœur : gardez-le ! Parfois il peut faire peur et on peut faire semblant de ne pas l’entendre, mais il reste le nôtre, inviolable. On peut toujours y revenir. Et là, si vous avez le don de la foi, vous savez que Dieu vous attend avec une patience infinie.

Je vous écris ces choses parce que, lorsque vous entrerez dans le monde du travail, tout vous semblera au contraire rapide. Ce que l’on attend de vous pourrait presque vous submerger. Vous aurez, comme l’on dit, le souffle sur la nuque de personnes que vous connaissez ou que vous ne connaissez pas : beaucoup de demandes, parfois trop d’indications et de recommandations. Dans ces circonstances, apprenez à garder votre cœur, à rester en paix et libres.

Ne vous pliez pas aux demandes qui vous humilient et vous mettent mal à l’aise, aux manières de procéder et aux exigences qui salissent votre authenticité. En fait, pour apporter votre contribution, vous ne devez pas faire semblant que tout vous va bien, même le mal. Ne vous conformez pas à des modèles auxquels vous ne croyez pas, peut-être pour obtenir un prestige social ou de l’argent supplémentaire. Le mal nous aliène, éteint les rêves, nous rend seuls et résignés. Le cœur sait s’en apercevoir et, lorsqu’il en est ainsi, il faut demander de l’aide et faire équipe avec qui nous connaît et tient de nous. Il faut faire des choix.

Très chers, on entre ensemble dans le monde du travail. Pas chacun pour soi : nous serions vite des rouages d’une machine et qui a le pouvoir pourrait tout faire de nous. Les A.C.L.I., qui vous ont réunis, sont un exemple historique de l’importance de s’associer, de transformer les intuitions du cœur en liens sociaux.

Ensemble, on peut réaliser les rêves. Le cœur cherche les amitiés, pense sans s’isoler, se réchauffe en se mettant à la place de l’autre. Le cœur sait être flexible et généreux. Il sait renoncer à quelque chose, mais en poursuivant l’idéal. Il sait se fixer des objectifs, mais fait attention à la manière dont ils sont atteints.

Et lorsque le travail est organisé sans cœur, alors est en péril la dignité humaine de qui travaille, ou de qui ne peut pas trouver de travail, ou s’adapte à un travail indigne. Aujourd’hui, c’est l’économie elle-même qui se rend compte que savoir faire ne suffit pas, que la performance ne fait pas tout. Pour cela, les machines suffiront de plus en plus. Cependant, l’intelligence du cœur est humaine, la raison qui entend les raisons des autres, l’imagination qui crée ce qui n’est pas encore, l’imagination par laquelle Dieu nous a tous rendus différents. Nous sommes des « pièces uniques », aidons-nous les uns les autres à nous en souvenir.

Je remercie les adultes qui cheminent avec vous et je leur dis : ne plions pas les jeunes aux raisons de ce qui existe, ne corrompons pas la nouveauté : donnons-leur la main et introduisons-les aux temps longs et même au poids des responsabilités, faisons confiance à ce qui est semé dans leurs cœurs.

Chers jeunes, je vous encourage à unir vos efforts, à construire des réseaux, y compris internationaux, pour réparer la maison commune et retisser la fraternité humaine. Le cœur humain sait espérer. Le travail qui n’aliène pas mais libère commence par le cœur.

Mes meilleurs vœux donc pour cette journée ! Je suis avec vous et je vous bénis du fond du cœur.

Rome, Saint-Jean-de-Latran, le 17 décembre 2024

Traduction: ©Anita Bourdin

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