Photo : © 2024 Amis du Saint-Siège à l’UNESCO
Ancien observateur permanent du Saint-Siège auprès de l’UNESCO (2002-2021), journaliste, professeur de philosophie et d’anthropologie culturelle, Mgr Francesco Follo réfléchit sur les textes bibliques du dimanche 15 décembre 2024 – 3e Dimanche de l’Avent – dans son blog Riflessioni domenicali.
Mgr Follo parle de la joie, soulignant que « la source de la joie est Dieu, qui guide nos pas pour nous conduire où Il nous attend ». Il explique « comment marcher vers la grande lumière du Christ » : « En redonnant notre cœur à Jésus qui donne force et espérance, aussi au milieu des situations les plus difficiles. »
Mgr Follo cite une prière de saint Thomas More (1478 –1535) « pour la bonne humeur » dans laquelle le saint demande à Dieu de lui donner de « l’humour » : « Seigneur, donne-moi l’humour pour que je tire quelque bonheur de cette vie et en fasse profiter les autres. »
Voici les réflexions de Mgr Follo :
La joie pour une rencontre imminente
III Dimanche de l’Avent – Rite Romain – 15 décembre 2024 – So 3,14-18; Is 12,2-6; Ph 4,4-7;Lc 3,10-18- La joie est la présence de l’Aimé.
La joie n’est pas simplement une émotion, elle est une expérience
Les textes des Évangiles proposés par la liturgie romaine et ambrosienne attirent notre attention sur Jean-Baptiste, appelé aussi le Précurseur. Cette appellation indique que Jean ne courrait pas seulement en avant, mais devant le Christ pour Lui préparer le chemin, en le redressant par la charité d’une vie et d’une prédication de conversion.
Le Précurseur n’a pas mérité ce « surnom » parce qu’il courait physiquement, mais parce qu’il marchait avec des pas d’amour. Nous pourrions dire qu’il était un ambassadeur de l’Amour, qui enseignait qu’il fallait aller vers le Messie à pas d’amour converti, purifié.
La conversion est de dire « oui » à Dieu, comme le prophète Sophonie (Ière lecture) nous le rappelle, et de dire « oui » au prochain (Évangile d’aujourd’hui). En effet, lorsque les foules demandaient à Jean : « Que devons-nous faire ? », celui-ci répondait : « Que celui qui a deux tuniques en donne une à qui n’en a pas ; et que celui qui a à manger fasse de même ».
Sophonie nous apprend que l’amour renouvelle le cœur (Ière lecture, 3, 18) et la peur le fait vieillir. L’Évangile d’aujourd’hui nous apprend que l’amour est partage et source de joie. Le psaume aussi nous invite à la joie : “Jubilez, criez de joie, habitants de Sion, car il est grand au milieu de toi, le Saint d’Israël !”. Dans la deuxième lecture l’apôtre Paul ne dit pas moins ; et en écrivant aux chrétiens de Philippe, il insiste sur la joie: “Laissez-moi vous le redire : soyez dans la joie” et il précise: “Ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance, dans l’action de grâce priez et suppliez pour faire connaître à Dieu vos demandes.”
La source de la joie est Dieu, qui guide nos pas pour nous conduire où Il nous attend. Mais comment marcher vers la grande lumière du Christ qui nous est indiquée par la petite lumière de Jean ? La torche qui est Jean nous indique le Soleil qui est le Christ (de cette façon, nous ne nous brûlons pas nos yeux) ? En redonnant notre cœur à Jésus qui donne force et espérance, aussi au milieu des situations les plus difficiles.
L’important est s’abandonner aux bras divins qui nous soutiennent dans notre chemin. Dieu ne nous abandonne jamais : il est l’Emmanuel, le Dieu toujours avec nous.
Tournons (convertissons) notre regard vers Lui. Admirons-Le sur le bois de la crèche à Bethléem et sur le bois de la Croix à Jérusalem, où il nous a définitivement donné Sa vie parce qu’Il nous aime. La contemplation d’un amour si grand ouvrira nos cœurs à une espérance et une joie que rien ne pourra abattre.
Comment pouvons-nous être tristes, si nous avons rencontré le Christ qui a donné Sa vie pour nous, pour chacun de nous ? Mais même si nous sommes tristes, cela ne fait rien. La tristesse est le signe que Dieu nous manque, même si nous n’en sommes pas conscients. La tristesse qui se fait humble demande, est le prix pour la joie de la réponse. Il suffit que notre cœur crie : « Viens, Seigneur Jésus », Toi, le Fils de Dieu qui n’est pas un Dieu qui prends plaisir au mal (cfr Ps 5,5). Alors nous ferons l’expérience de Dieu qui bénit « le juste : comme un bouclier, Il le couvre de Sa bienveillance » (Ps 5,13) et nous aurons une confiance sereine, fondée sur la miséricorde-fidélité (en hébreu hésed) de Dieu, d’une part, et sur la justice-salut (en hébreu sedaqáh) d’autre part. Ces deux mots hébreux sont utilisés par la Bible pour célébrer dans la joie l’alliance qui unit pour toujours le Seigneur à son peuple et aux fidèles pris chacun en particulier. En effet la joie du Christ consiste dans le fait qu’il daigne jouir de nous ; et notre joie parfaite consiste à être en communion avec Lui (cf St Augustin, Discours 32) : c’est l’Alliance nouvelle et éternelle.
La joie n’est pas seulement être aimés, mais aimer en donnant
La charité nait d’un cœur dilaté par la joie et la charité consiste à partager la joie, c’est la transmettre. Organiser (donner) une fête pour pouvoir partager sa joie avec les autres (réjouissez-vous avec moi) est la manière que le bon Pasteur connaît pour transmettre Sa joie quand il retrouve la brebis qui s’était perdue, c’est la manière que le Père miséricordieux utilise quand le fils prodigue retourne à la maison.
Les paraboles du bon Pasteur et du Père miséricordieux nous montrent clairement que l’amour produit la joie et que la joie est une forme d’amour. Aimer signifie vouloir le bien de l’autre et vouloir le bien de l’autre signifie procurer le vrai bien à la personne aimée, jusqu’au don heureux et total de soi-même à et pour qui l’on aime, comme l’a fait Jésus à Bethleem et sur le Calvaire. C’est ainsi que la Vierge Marie, pleine de grâce et de joie a fait : (« Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur ») lorsqu’elle a apporté à Elisabeth non seulement de l’aide matérielle, mais aussi la joie en personne : le Christ. Il est une Présence si joyeuse que le petit Jean, encore dans les entrailles de sa mère âgée, exulta de joie en percevant la présence de Jésus, même si celui-ci aussi était aussi dans les entrailles de sa jeune maman.
Si Jean fut capable de percevoir la présence du Christ, malgré l’obscurité des entrailles qui le contenaient, et s’en réjouit, ne pouvons-nous pas percevoir la présence du Christ, malgré l’obscurité des petites ou grandes difficultés qui nous entourent et être dans la joie ? Bien sûr que oui. Il suffit que nous allions chez le Christ avec la curiosité des pasteurs et l’attitude de recherche des Roi Mages et que nous nous mettions à genoux devant Lui. À leur suite, comme les pasteurs et les rois, offrons au Christ notre heureux étonnement et nos « pauvres cadeaux » (pour Celui qui a fait le monde et en est le Seigneur, même l’or est une petite chose). Et Lui se donnera à nous complètement et avec tendresse, à nouveau.
« Les femmes consacrées sont appelées de façon tout à fait spéciale à être, par le don d’elles-mêmes vécu en plénitude et avec joie, un signe de la tendresse de Dieu pour le genre humain et un témoignage particulier du mystère de l’Église, vierge, épouse et mère. » (Jean Paul II, Exhortation Apostolique, Vita Consecrata, 25 mars 1996, n. 57).
Les vierges consacrées reçoivent ce don d’une façon particulière durant le Rite de la Consécration et elles sont appelées à le vivre d’une façon toujours plus mûre et consciente. Par ce don, « la vierge est constituée comme personne consacrée, signe transcendant de l’amour de l’Église pour le Christ son époux, image eschatologique de la vie à venir » (Préliminaires au Rite, n. 1). « Recevez cet anneau, signe de votre union avec le Christ. Gardez une fidélité san partage au Seigneur Jésus ; il vous introduira un jour dans la joie de l’alliance éternelle » (Rituel de la Consécration des Vierges, n. 66).
La modalité habituelle est de faire mémoire du Christ, né pour nous, dans la vie quotidienne comme histoire du salut et rendre grâce (= faire Eucharistie). « Qu’elles brulent de charité et n’aiment rien en dehors de toi ; qu’elles méritent toute louange sans jamais s’y complaire ; qu’elles cherchent à te rendre gloire, d’un cœur purifié, dans un corps sanctifié ; qu’elles te craignent avec amour, et, par amour, qu’elles te servent » (Rituel de Consécration des Vierges n° 64), dans la joie.
En tout cas, tous et toutes, célibataires et mariés, religieux ou laïques nous sommes appelés à mettre en pratique les paroles de Jésus rappelées par saint Paul dans les Acte des Apôtres : « Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir » (Act 20,35). Cette phrase était expliquée par Mère Teresa de Calcutta ainsi: « La joie est un réseau d’amour pour capturer les âmes. Dieu aime celui qui donne avec joie. Et celui qui donne avec joie donne plus ». Et le Serviteur de Dieu Paul VI écrivait : «En Dieu même tout est joie parce que tout est don. » (Exhortation Apostolique Gaudete in Domino, 9 mai 1975).
Donc avec joie préparons-nous à accueillir le Christ qui amène dans le monde le Don de Dieu, l’infini Amour fidèle et miséricordieux, juste et salvifique.
Prière de saint Thomas More (1478 –1535, homme politique, grand humaniste chrétien) pour la bonne humeur :
“Donne-moi l’humour
Donne-moi une bonne digestion, Seigneur, et aussi quelque chose à digérer.
Donne-moi la santé du corps avec le sens de la garder au mieux,
Donne-moi une âme sainte, Seigneur, qui ait les yeux sur la beauté et la pureté, afin qu’elle ne s’épouvante pas en voyant le péché, mais sache redresser la situation.
Donne-moi une âme qui ignore l’ennui, le gémissement et le soupir.
Ne permets pas que je me fasse trop de souci pour cette chose encombrante que j’appelle « moi ».
Seigneur, donne-moi l’humour pour que je tire quelque bonheur de cette vie et en fasse profiter les autres. Amen”