Photo : © 2024 Amis du Saint-Siège à l’UNESCO
Ancien observateur permanent du Saint-Siège auprès de l’UNESCO (2002-2021), journaliste, professeur de philosophie et d’anthropologie culturelle, Mgr Francesco Follo réfléchit, à l’occasion de la fête de la Présentation du Seigneur au Temple, célébrée dimanche 2 février 2025, sur la rencontre de Jésus avec le Père et avec les frères dans le Temple, dans son blog Riflessioni domenicali.
Mgr Follo nous invite à invoquer « le Saint Esprit afin que nous aussi puissions reconnaître le Rédempteur du monde et accepter que ce petit Enfant soit le salut de nous et du monde entier ».
Rappelant les circonstances dans lesquelles Jésus a été présenté au Temple, le prélat souligne que « Dieu n’a pas besoin de grandes manifestations, de grands événements pour montrer sa gloire. Sa présence nous juge. Si nous lui ressemblons, nous le voyons et le reconnaissons. Mais si nous sommes pleins d’orgueil, nous n’avons rien en commun avec Lui, nous sommes exclus de sa lumière ».
Voici les réflexions de Mgr Follo :
L’offrande du Fils au Père et la rencontre avec les frères
Présentation du Seigneur au Temple – 2 février 2025 – Rite Romain
Ml 3,1-4; Ps 23; Héb 2,14-18; Lc 2,22-40
Rencontre de Jésus avec le Père et avec les frères dans le Temple
Quarante jours se sont déjà écoulés depuis Noël, jours dans lesquels le Christ est entré dans le monde et aujourd’hui la liturgie nous demande de célébrer la présentation de Jésus au Temple. La célébration de ce fait est appelée « Fête de la rencontre », parce qu’elle célèbre la rencontre entre l’Enfant-Dieu qui apporte nouveauté, et l’humanité en attente de nouveauté représentée dans le Temple par deux personnes âgées.
Cet enfant divin entre humblement dans sa Maison par deux vieux et pas par les prêtres du Temple qui ne l’accueillent pas parce qu’ils ne savent pas reconnaître Dieu dans ce pauvre Enfant.
Quelles sont les attitudes qui permettent cette reconnaissance ? L’humilité de Siméon et la piété d’Anne. Donc, invoquons le Saint Esprit afin que nous aussi puissions reconnaître le Rédempteur du monde et accepter que ce petit Enfant soit le salut de nous et du monde entier.
Dans sa faiblesse, humilité et pauvreté l’Enfant Jésus juge et condamne le monde qui n’est pas pauvre, qui est orgueilleux, qui croit dans la force. Au contraire, il sauve Siméon et Anne, deux vieux pauvres et faibles à cause de leur corps affaiblis par les années écoulées. Ces deux sont saufs. Dieu n’a pas besoin de grandes manifestations, de grands événements pour montrer sa gloire. Sa présence nous juge. Si nous lui ressemblons, nous le voyons et le reconnaissons. Mais si nous sommes pleins d’orgueil, nous n’avons rien en commun avec Lui, nous sommes exclus de sa lumière. Avec la présentation au Temple ( mais pas seulement là) Dieu se rend présent, mais il se fait reconnaître seulement par les âmes humbles qui n’ont pas de poids dans le monde, que les hommes oublient. Ces humbles ne savent pas qu’ils peuvent compter, mais seulement eux reconnaissent le Christ. L’Homme-Dieu est un Enfant qui ne sait pas marcher, il est un homme qui pend d’une Croix. La révélation suprême de Dieu est son suprême abaissement (=kenosi, si nous voulons utile le mot grec de l’évangile).
Contemplons cet abaissement regardant Marie et Joseph qui vont au Temple de Jérusalem pour offrir Jésus au Seigneur « selon ce qui est écrit dans la loi du Seigneur : Tout premier né de sexe masculin sera consacré au Seigneur. Ils venaient aussi offrir le sacrifice prescrit par la loi du Seigneur : un couple de tourterelles ou deux petites colombes » (Lc 2,24-25). La pauvreté des parents du Christ nous est redite. Ils n’ont pas la possibilité d’offrir l’agneau. Pourtant, avec le cœur rempli d’émoi ils offrent tout ce qu’ils ont: deux petits oiseaux, innocents et purs. Ils ne savent pas encore qu’ils ont dans les bras celui dont Jean Baptiste indiquera comme « Agneau de Dieu ».
L’offrande de Jésus au Père, accomplie dans le Temple, annonce son offre totale sur la croix. Cet acte d’obéissance à un rite légal, à l’accomplissement auquel ni Jésus ni Marie étaient tenus, constitue une grande leçon d’humilité qui nous a été donnée à Noël, lorsque nous avons contemplé le Fils de Dieu et sa Mère dans la touchante et humble crèche.
Dieu se manifeste dans la faiblesse, dans la pauvreté, dans l’innocence de l’enfance, dans la pureté et seulement les purs de cœurs voient Dieu. Ceux qui ont changé leur esprit, ceux qui ont renoncé à la façon humaine de voir et de penser peuvent « voir » Dieu qui se manifeste dans la vie des hommes et comprendre ce que Dieu réalise.
Parmi ces purs de cœur, se trouvent Siméon et Anne, fille de Phanuel, de la tribu d’Aser.
Le cœur et les yeux purs permettent à Siméon de reconnaître en cet enfant, porté par un humble couple, le Messie promis, l’Oint du Seigneur annoncé par les prophètes et attendu pendant des siècles. Le vieux Siméon, homme juste et pieux, qui attendait la consolation d’Israël (cfr Lc 2,25) et, l’Esprit saint étant sur lui, se rend au Temple, accueille l’enfant dans ses bras, et avec un esprit ému, bénit Dieu, parce que le salut est arrivé pour lui, pour son peuple et pour tous les gens du monde entier. Avec son cœur et ses yeux, le vieux prophète reconnaît dans cet enfant le Sauveur. Il prophétise aussi que la lumière tant attendue et invoquée sera pour beaucoup de personnes un signe de contradiction et non pas de résurrection parce qu’ils ne réussiront pas à accueillir la lumière de sa parole qui dévoile les pensées de chaque cœur humain.
L’autre personne humble qui accueille Dieu qui visite le Temple est Anne. Par la grâce de Dieu, cette femme a le bonheur, la chance de voir le visage de Dieu dans Jésus l’enfant. Je pense qu’il est légitime de regarder cette femme comme représentante de toute l’humanité dont le destin est de voir le visage de Dieu et de refléter en soi le même visage. Cette veuve représente toute l’humanité, qui est veuve parce qu’elle n‘a pas d’époux, « son autre partie (ou part ?) ». L’autre part de l’homme est Dieu. Cette femme a la grâce de pouvoir le voir face à face et de jouir par la présence de l’époux, comme l’époux jouit de la présence de l’épouse. Anne célèbre Dieu, tandis qu’auparavant, elle jeûnait nuit et jour dans le Temple, et célèbre Dieu en parlant de cet enfant, qui est la libération de tous. Donc cette femme représente les noces finales de la Jérusalem céleste quand l’humanité se rencontrera avec l’époux. Substantiellement nous sommes tous « veuves » en attente de noces, de la rencontre avec le Dieu-Amour.
Il s’agit d’une rencontre humble et pas éclatante comme celle du petit enfant, Fils de Dieu, apporté dans la Maison de Son Père. En effet, nous ne devons pas penser à la Présentation au Temple comme un événement grandiose, épatant, avec une grande procession. Nous ne devons pas imaginer l’admiration du Grand Prêtre qui accueille Jésus à bouche ouverte, entouré par des lévites et d’ autres prêtres. Rien ne s’est passé comme ça. Personne n’a remarqué quelque chose à l’exception du vieux Siméon qui avait chanté son cantique de remerciement parce qu’il avait vu le salut, et cette veuve de 84 ans. Voilà à qui le Seigneur est apparu, à qui il s’est révélé. Voici ceux qui sont les premiers messagers en Israël de l’événement divin. Faites attention cette-là est une chose très importante. En général les évangélistes voient en Jean Baptiste celui qui annonce, encore plus, qui indique le Sauveur : « Voilà l’Agneau de Dieu ». Mais avant Saint Jean Baptiste il y a eu Siméon et Anna la prophétesse. Si nous sommes humbles et riches de pitié, comme doivent l’être les vierges consacrées, nous pourrons faire la même chose : indiquer le Christ avec joie pour une vie accomplie dans la consécration, pleine d’années et de grâce.
Deux personnes qui portent l’Enfant pour l’offrir
Nous avons présenté deux personnes qui ont accueilli le Fils de Dieu qui « visitait » sa maison et qui ont su Le reconnaître dans ce petit enfant porté par deux pauvres et humbles personnes : Joseph et Marie qui offraient « leur » fils à Dieu. Maintenant tournons notre regard vers Saint-Joseph, mais surtout Marie qui est la Mère Vierge offrante : « L’Église a pressenti dans le cœur de la Vierge qui porte le Fils à Jérusalem pour le présenter au Seigneur une volonté oblative qui dépasse le sens ordinaire du rite » (Jean-Paul II, Marialis Cultus, n. 20). C’est cette dimension oblative que nous devons retenir comme message de la fête d’aujourd’hui, pour développer en nous celle que nous pouvons appeler la spiritualité de l’offrande, qui pousse chacun de nous à vivre la vie dans le don total de soi à Dieu comme le Tout de notre propre vie.
Apporté dans le Temple par Marie et par son époux Joseph, Jésus est offert. Comme l’Évangile rappelle, la Madonna a été appelée à faire tout ceci par l’ancienne prescription mosaïque, en force de laquelle chaque premier-né appartenait au Seigneur. Mais dans l’offrande du Christ, cette prescription n’est pas seulement observée : elle est parfaitement accomplie. En force de sa participation à notre humanité le Verbe de Dieu est devenu le « premier-né de beaucoup de frères » et offre soi-même pour leur salut. « Aussi, en entrant dans le monde, le Christ dit : Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps. Tu n’as pas agréé les holocaustes ni les sacrifices pour le péché ; alors, j’ai dit : Me voici, je suis venu, mon Dieu, pour faire ta volonté, ainsi qu’il est écrit de moi dans le Livre. » (Héb10, 5-7).
Plongeons-nous aujourd’hui dans la contemplation de cet acte de volonté avec lequel Jésus, présenté au temple, fait de sa vie et de son humanité un sacrifice apprécié (agréé à) par Dieu.
Enfin, aujourd’hui, nous fêtons les mystères divins surtout parce que nous voulons remercier le Père pour un don particulier, précieux fruit de l’offrande du Christ : la vie consacrée.
Le fait que des hommes et des femmes suivent le Christ, en l’aimant avec un cœur non partagé, pleinement libérés grâce à la pratique des conseils évangéliques, trouve racine dans le don que Christ a fait de soi-même sur la croix.
En regardant les vierges consacrées, nous sommes profondément rassurés que le Christ est mort et ressuscité pour nous : elles le disent non seulement avec les paroles, mais à travers leur existence consacrée. En effet quel est le « noyau essentiel » de la décision existentielle de ces personnes ? Avoir décidé d’appartenir exclusivement et totalement à la personne du Christ implique que leur vie est une vie consacrée et l’est pour toujours. Cela implique que leur existence exprime la radicalité de leur décision. Ces personnes consacrées veulent reposer uniquement dans le Christ et adhérer totalement à lui (cfr RCV, n24), en suivant Marie, leur modèle par excellence, qui a dit : « Voici la servante du Seigneur, que tout m’advienne selon ta parole. » (Lc 1,38).
Enracinées en cette appartenance totale au Christ, ces personnes consacrées deviennent l’expression parfaite de chaque vie chrétienne qui consiste à se conformer pleinement au Seigneur Jésus. Il faut leur souhaiter d’être fidèles à leur vocation, parce qu’en elles tous les fidèles, les époux et les pasteurs de l’Église voient la profonde nature de la vie chrétienne dévoilée en tant que telle.
En tout cas, à mon avis, aujourd’hui on célèbre la fête de la première rencontre de Jésus avec le Père, auquel il est offert, et immédiatement racheté comme tous les premiers-nés. Demandons-nous si nous sommes réellement prêts à offrir, avec lui, le meilleur de nous à Dieu, notre Père, pour ensuite, « redonnés à nous-même », passer dans le monde comme bénédiction, qui illumine le chemin des hommes à la recherche de Dieu qui donne la paix et la joie. « Joie qui ne consiste pas dans l’avoir tant de choses, mais dans le se sentir aimé par le Seigneur, dans le se faire un don pour les autres et dans le bien s’aimer » (Benoît XVI, Angelus du 13.12.2009). Bénédiction à demander à Dieu et à partager avec les frères, comme le pape François fit au moment de la première rencontre avec l’Église et le monde immédiatement après son élection.