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Réflexions dominicales : soyons «des auditeurs de la Parole et non des auditeurs des rumeurs et des bavardages», par Mgr Follo

Photo : © 2024 Amis du Saint-Siège à l’UNESCO

Ancien observateur permanent du Saint-Siège auprès de l’UNESCO (2002-2021), journaliste, professeur de philosophie et d’anthropologie culturelle, Mgr Francesco Follo réfléchit sur un épisode de la transfiguration du Christ sur le mont Thabor, décrit dans l’Évangile de Luc et lu le dimanche 16 mars 2025 dans son blog Riflessioni domenicali.

Mgr Follo note que la transfiguration du Christ « indique une des qualités les plus importantes pour un disciple : l’écoute ».

Il souhaite « que ce Carême soit dédié à écouter le Christ pour avoir un cœur pur et un esprit sage, à écouter Sa Parole qui, quotidiennement, est annoncée dans nos communautés ». « Si nous l’écoutons, poursuit-il, nous nous nourrissons d’une alimentation substantielle pour notre chemin vers Pâques, qui est Beauté, Bonté et Vérité. Persévérons à être des auditeurs de la Parole et non des auditeurs des rumeurs et des bavardages. Écoutons attentivement le Verbe de Dieu. »

Mgr Follo affirme aussi que « chacun de nous » est « appelé à vivre ce Carême, annonçant l’Évangile de l’amour d’un samaritain concret, bon parce que solidaire et disposé à avoir un échange fraternel avec la personne en état de besoin ». « Dans l’Amour, chaque homme peut trouver la propre réalisation de soi-même et donner un sens à sa propre vie », souligne-t-il.

Voici les réflexions de Mgr Follo :

Marcher avec le Christ c’est le suivre et en être transfigurés

IIe dimanche de Carême  – Année C – 16 mars 2025

Gn 15,5 – 12.17-18; Ps 26; Ph 3,17-4,1; Lc 9,28b-36

Le chemin de croix transfigure

L’Évangile d’aujourd’hui nous fait parcourir le chemin du Carême en nous faisant monter avec le Christ sur le mont Thabor pour participer à sa transfiguration par la prière. Pour un chrétien, prier, ce n’est pas fuir la réalité et les responsabilités qu’elle comporte, mais les assumer jusqu’au bout, en ayant confiance dans l’amour fidèle et inépuisable du Seigneur. Pour cette raison, la vérification de la transfiguration est, de manière absurde pour nous, la « défiguration » de Jésus pendant la Passion. Dans la passion qui est désormais proche, Jésus vivra son angoisse mortelle et son visage sera défiguré, mais Il se confiera à la volonté du Père. 

Dans les heures d’agonie, la prière du Rédempteur sera un gage de salut pour nous tous. Le Christ, en effet, suppliera le Père céleste de « le libérer de la mort » et, comme l’écrit l’auteur de la lettre aux Hébreux, « il a été entendu pour sa miséricorde » (5,7). La Pâque de la Résurrection est la preuve de cet accomplissement.

Sur le chemin vers la Pâque du Christ et avec le Christ, la liturgie romaine du deuxième dimanche de Carême nous fait aller vers le mont Tabor, là où Jésus s’est transfiguré devant Pierre, Jacques et Jean. Ces trois Apôtres ont reçu le don de contempler Jésus transfiguré dans la splendeur de la divinité pour pouvoir soutenir la vue du Maître « défiguré » par la passion, condition inévitable de la Résurrection du Rédempteur pour lequel son amour recrée et délivre. Toutefois, selon moi, Jésus ne veut pas seulement préparer ses disciples à la passion qui l’attend et qu’eux-mêmes devront subir. La transfiguration du Christ révèle ce que lui est le Fils de Dieu et indique une des qualités les plus importantes pour un disciple : l’écoute.

Dieu atteste que son Fils est Jésus : « celui-ci est mon fils, celui que j’ai choisi » et il conclut en disant: « écoutez-le » (Lc 9,35-36). Pourquoi? Parce que le disciple qui écoute Jésus est transfiguré, celui qui écoute le Christ devient le Christ. Ecouter Jésus fait vivre de Jésus, fait vivre la vie du Fils. Notre vie est transformée par l’écoute de la Parole. Il est donc indispensable écouter sa Parole, gardée dans la Sainte Écriture et proposée par la liturgie. En effet, « La liturgie de la Parole, les pages de la Bible cessent d’être un mot écrit pour devenir un mot vivant, prononcé par Dieu lui-même qui, ici et maintenant, nous interroge, nous qui écoutons avec foi. L’Esprit qui a parlé par les prophètes et inspiré les auteurs sacrés, fait travailler la Parole de Dieu vraiment dans les cœurs ce qui fait résonner les oreilles » (Pape François, 31 janvier 2018).

Que ce Carême soit dédié à écouter le Christ pour avoir un cœur pur et un esprit sage, à écouter Sa Parole qui, quotidiennement, est annoncée dans nos communautés. Si nous l’écoutons, nous nous nourrissons d’une alimentation substantielle pour notre chemin vers Pâques, qui est Beauté, Bonté et Vérité. Persévérons à être des auditeurs de la Parole et non des auditeurs des rumeurs et des bavardages. Écoutons attentivement le Verbe de Dieu. Contemplons-le pieusement et apportons-le du mont parmi les hommes. Le disciple porte cette Parole transfigurée de lumière qui est comme le soleil sur son visage et est blanche comme neige sur ses vêtements. Le Christianisme est la religion de la lumière. Le Verbe, qui s’est fait chair, est la lumière qui illumine chaque homme. Lumière mystique à Nazareth lors de l’annonciation. Lumière à Bethléem avec les anges et l’étoile. Lumière au Jourdain avec la colombe de l’esprit. Lumière sur Tabor. Lumière d’éternité.            

Une seule tente, pas trois

 Avec le choix de l’Évangile de la Transfiguration, l’Église nous invite aujourd’hui à renforcer notre foi, fragile et fatiguée, avec l’énergie de la lumière. Dieu offre une anticipation. Mais il faut lui donner crédit, sans limites. Ce qu’a fait Abraham (première lecture) qui a fait confiance à la promesse de Dieu, compromettant sa propre existence. Nous ressemblons énormément aux trois amis de Jésus, qu’il réconforte en leur disant et en nous disant : « courage, ayez confiance, levez-vous, n’ayez crainte, je suis le vainqueur du monde » (Jn 16,33). Nous, comme le chef des Apôtres, sommes confus (Pierre : il ne savait pas ce qu’il disait) et impressionnés (les trois apôtres eurent peur) mais en silence (ils se turent) écoutons la Parole du Père ou l’impératif amoureux « écoutez-le ».

Nous, comme Pierre, pouvons exclamer : « Seigneur, c’est beau d’être ici, faisons trois tentes : une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie », parce que comme cet Apôtre, nous voudrions prolonger la paix qui vient de la rencontre avec Christ contemplé dans la lumière. Saint-Pierre fut fasciné par cette vision et lorsqu’ il disait : « C’est beau d’être ici », il laisse comprendre les raisons d’une dimension, peut-être trop peu vécue, de la vie chrétienne de ce monde : la contemplation, c’est-à-dire la prière dite non pas pour demander quelque chose à Dieu, mais pour admirer ses merveilles, pour reconnaître sa grandeur et sa bonté infinie, pour le louer et le remercier de tout ce qu’il nous a donné et de tout ce qu’il garantit de nous donner.

La contemplation est la prière qui devient regard. Si nous prenons le temps de contempler le Christ, le Père nous investit de sa lumière et cette lumière nous irradie et s’irradie sur les autres. En bref, si nous désirons que l’expérience de lumière dure en nous, nous devons faire des tentes pour le Christ : nous devons devenir des tentes dans lesquelles lui peut demeurer et nous transfigurer à travers la participation à sa croix et résurrection : « Il est nécessaire que tu sois son compagnon dans la passion afin que tu puisses participer à sa gloire. Là, lui-même t’accueillera avec tous les autres dans ses tentes éternelles. Là, tu ne prépareras pas trois tentes: une pour le Christ, une pour Moïse et une pour Élie, mais une seule pour le Père, pour le Fils et le Saint-Esprit : tu seras cette tente. Alors Dieu sera tout en tous (1 Cor 15,28). Comme lorsque nous lisons dans l’Apocalypse :  « voici la demeure de Dieu avec les hommes: il demeurera avec eux et ils seront son peuple, Dieu lui-même sera avec eux  » (Ap 21,3) » (Pierre le Vénérable, Abbaye de Cluny, Sermon sur la transfiguration du Seigneur).

La Samaritaine

La liturgie du Carême illumine la figure de Jésus, pour que chaque chrétien soit mis devant sa présence et le suive. Le Rite Romain le fait avec la transparence de la transfiguration. La liturgie Ambrosienne propose la « petitesse » de la samaritaine, comme la liturgie de dimanche dernier qui nous invitait à méditer sur celle de Zachée. Pour rencontrer ce publicain, Christ a dû passer par Jéricho et pour rencontrer la samaritaine, il a dû passer par la Samarie. Non pas à cause de la géographie de la Terre Sainte, mais à cause de la géographie de la charité qui a des parcours obligatoires comme la « via crucis ».

Pour aller à Jérusalem, là où l’attendait la croix, Jésus fut obligé de passer par la région qui divisait la Galilée de la Judée, par une terre habitée par des personnes que les autres hébreux considéraient infidèles, traîtres, car ils ne voulaient pas sacrifier Jérusalem. Ils avaient construit un temple sur le mont Garizim et n’avaient pas accepté la réforme de Néhémie. Mais Jésus aimait les samaritains : il guérit un lépreux. Parmi les dix miraculés, un seul le remercia et c’était un samaritain. Samaritain est le marchand qui vient au secours de l’homme dérobé et blessé par des voleurs. Samaritaine est la femme que Jésus attend au puit de Jacob. Le Samaritain est Jésus. En effet, un jour ses compatriotes lui dirent : « Nous ne disons pas que tu es un Samaritain? »  (Jn 8,53) et Jésus transforma cette accusation en synonyme de « homme de charité ». Chacun de nous est donc appelé à vivre ce Carême, annonçant l’Évangile de l’amour d’un samaritain concret, bon parce que solidaire et disposé à avoir un échange fraternel avec la personne en état de besoin. Dans l’Amour, chaque homme peut trouver la propre réalisation de soi-même et donner un sens à sa propre vie. Ceci vaut en particulier pour les vierges consacrées, qui sont appelées à être de bonnes samaritaines.

En bonnes samaritaines les vierges consacrées sont appelées à transfigurer la terre avec la charité qui ne peut pas être achetée, elle peut seulement être demandée, reçue et partagée. Dans leur prière, ces femmes dévouées complètement au Christ prient : « Époux de salut, espérance de ceux qui te louent, oh Christ Dieu, concède-nous les orantes de trouver dans les noces avec toi, la couronne impérissable, comme les vierges sages et sans taches de l’Évangile » (Romain le Mélode, Cantiques, Torino 2002, pp. 318). Couronne à partager dans l’humble service du prochain. Ces femmes consacrées, d’une part, « manifestent l’amour de l’Église Épouse pour l’Eucharistie aussi dans la prière d’adoration du Corps eucharistique du Seigneur », d’autre part, en bonnes samaritaines « elles puisent du Christ une charité active envers les membres de son Corps mystique » (Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et Sociétés de vie apostolique, Instruction de l’Ordre Virginum, Ecclesiae Sponsae Imago, n°32)    

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