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L’amour du Cœur du Christ, source et héritage du pape François

Photo : © Sanctuaire du Sacré-Cœur; Paray-le-Monial

Anita Bourdin
Quel sera le vrai héritage spirituel du pape François? L’heure des bilans du pontificat justifie la question, en ce premier jour de l’au-revoir des foules à Saint-Pierre: plus de vingt mille personnes sont venues lui rendre hommage en un moins d’un jour, avec une prolongation au-delà de minuit. Le pape du cœur puisait son énergie au Cœur du Christ, « synthèse de l’Évangile ».

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Les bilans quotidiens rappellent que le pape François, premier pape « américain », premier pape du « sud du monde », premier pape issu d’une famille émigrée qui a bien failli périr sur le « Principessa Mafalda » qui a coulé au large du Brésil, a défendu les migrants, les SDF, les mamans célibataires, la protection de la planète, les victimes d’abus, les affamés, a promu une écologie « intégrale », a jusqu’au bout plaidé pour la fin des conflits et la paix dans le monde, pour les urgences humanitaires et contre l’antisémitisme… La liste est longue, féconde.

Ne faut-il pas de demander d’où vient cette fécondité? Du Christ ressuscité, certes, son « départ » au matin du lundi de Pâques le souligne très significativement. Après une semaine sainte marquée par des gestes et des messages profonds: pour la messe chrismale, auprès des détenus, le Jeudi Saint; ses méditations pour le Chemin de Croix du Colisée, le Vendredi Saint; ou auprès des pèlerins rencontrés dans la basilique Saint-Pierre, en privé: un représentant d’une grande puissance, le vice-président des États-Unis, M. James David Vance et sa famille, le 20 avril, et le même jour, un représentant d’un petit pays, le Premier ministre de Croatie, Andrej Pelnkovic, sa femme et leurs trois enfants, aussi bien que des pèlerins anonymes rencontrés par surprise dans la basilique vaticane ou sur la Place Saint-Pierre; et bien sûr ses messages pour Pâques.

Et ce dernier geste public: le pardon donné par la bénédiction Urbi et Orbi. Le pape n’avait-il pas commencé son pontificat en disant: « Frères et sœurs, le visage de Dieu est celui d’un père miséricordieux, qui a toujours de la patience. Avez-vous pensé, vous, à la patience de Dieu, la patience qu’il a avec chacun de nous ? Telle est sa miséricorde. Il a toujours de la patience, de la patience avec nous, il nous comprend, nous attend, il ne se fatigue pas de nous pardonner si nous savons revenir à lui avec le cœur contrit. « Grande est la miséricorde du Seigneur », dit le Psaume » (premier angélus, 17 mars 2013).

Marie et les saints
Mais le lundi de Pâques, c’est aussi un jour traditionnellement consacré à la Vierge Marie: cette fécondité est certainement « mariale », indique la date de son décès. Son testament spirituel, dans lequel il exprime sa volonté d’être inhumé à Sainte-Marie-Majeure, résume tous ses gestes pour honorer la Vierge Marie, par des pèlerinages dans tous les pays où il s’est rendu et des fleurs, d’Aparecida à la place d’Espagne. S’il ne s’est pas rendu à Notre-Dame de Paris c’est aussi que tout Romain se doit, le 8 décembre, de faire le pèlerinage à la Place d’Espagne.

Aujourd’hui, 23 avril, c’est la Saint-Georges, fête de Jorge Mario Bergoglio, et la théologie des saints du pape François, l’histoire de ses amitiés spirituelles est passionnante, depuis la canonisation du jésuite savoyard, Pierre Favre, jusqu’à sa complicité avec Thérèse de Lisieux, et des saints français, mais aussi sainte Rose de Lima, sainte patronne de sa grand-mère, italienne. Sans oublier saint Ignace de Loyola, qui a célébré sa Première messe à Sainte-Marie-Majeure. Il semble que le pape François mette une fois de plus ses pas dans ceux du fondateur des jésuites en demandant à reposer dans la basilique mariale. Certes, 7 autres papes y sont inhumés, mais aucun depuis 300 ans!

« Essentiel » à la vie chrétienne
Cependant, l’enquête doit se poursuivre, quel est le secret de la fécondité de la vie du pape François? Où est la « source »? Il semble qu’il l’ait lui-même révélé dans sa dernière encyclique, sur le Cœur du Christ: le secret du cœur du pape c’est l’amour du Cœur de Jésus. Ne dit-il pas lui-même que cette dernière encyclique c’est la clef de toutes ses autres encycliques?

On sait aussi qu’au cours de ses apparitions à sainte Marguerite-Marie à Paray-le-Monial, le Christ a confié aux jésuites la mission de faire connaître l’amour de son cœur dans le monde entier. Le premier pape Jésuite répond en quelque sorte au désir du Christ en écrivant cette encyclique « Dilexit nos » (24 octobre 2024) qui renouvelle profondément, pour aujourd’hui la « dévotion » au Cœur de Jésus.

N’est-il pas significatif que le pape François s’en aille alors que l’on célèbre le jubilé du 350e anniversaire des apparitions de Paray-le-Monial? Et ce jubilé coïncide avec le Jubilé de l’espérance 2025, pour commémorer le Concile de Nicée (325), à la gloire du Christ vrai Dieu et vrai homme. Cet homme qui est Dieu a un cœur, ce cœur « qui a tant aimé les hommes », jusqu’à donner sa vie. Voilà la source et le modèle du pape François. Et du chrétien: l’amour du Cœur de Jésus est, affirme-t-il, « essentiel à notre vie chrétienne ».

Gestes et paroles d’amour
Le pape François a tenu, comme héritage spirituel, à communiquer au monde ce signe du Cœur, tellement profond, tellement universel, tellement simple. Pour parler au cœur de l’homme, de tout homme, et revenir au cœur de Dieu, en Jésus miséricordieux. Ses funérailles auront lieu, samedi 26 avril, au cours de la grande neuvaine à la Miséricorde divine, à la veille du Dimanche de la Miséricorde.

Relisons quelques passages de l’encyclique, avec l’aide d’une synthèse du diocèse de Rennes. Le premier chapitre explique l’urgence de « redécouvrir l’importance du cœur » dévalorisé par le « rationalisme grec et préchrétien, l’idéalisme postchrétien et le matérialisme » : « Dans ce monde liquide, il est nécessaire de parler à nouveau du cœur, d’indiquer le lieu où toute personne, quelle que soit sa catégorie et sa condition, fait sa synthèse ; là où l’être concret trouve la source et la racine de toutes ses autres forces, convictions, passions et choix » (n°9), dans le sillage d’Ignace de Loyola ou du cardinal John Henry Newman.

Le deuxième chapitre rappelle les gestes et les paroles d’amour du Christ, comme son regard, qui « pénètre au plus profond de ton être » (n. 39), et montre que Jésus « est attentif aux personnes, à leurs préoccupations, à leurs souffrances » (n. 40).

Au chapitre 3, le pape François souligne comment, au cours des siècles, l’Église a réfléchi « sur le saint mystère du Cœur du Seigneur ». Il cite l’encyclique de Pie XII Haurietis aquas, sur la dévotion au Cœur du Christ (1956): « La dévotion au Cœur du Christ est essentielle à notre vie chrétienne car elle signifie notre ouverture, pleine de foi et d’adoration, au mystère de l’amour divin et humain du Seigneur, au point que nous pouvons affirmer une fois de plus que le Sacré-Cœur est une synthèse de l’Évangile » (n. 83). Il invite ensuite à renouveler la dévotion au Cœur du Christ aussi pour contraster avec « de nouvelles manifestations d’une “spiritualité sans chair” qui se multiplient dans la société » (n. 87).

Une théologie des saints
Le quatrième chapitre révèle davantage la « théologie des saints » du pape François qui relit les Écritures Saintes et les Pères de l’Église pour éclairer le « côté blessé de Jésus » « comme l’origine de l’eau de l’Esprit » et aussi saint Augustin, qui « a ouvert la voie à la dévotion au Sacré-Cœur en tant que lieu de rencontre personnelle avec le Seigneur » (n. 103). Ce côté blessé a progressivement « pris la forme d’un cœur » (n. 109), tant aimé par les saints français qu’il connaît bien: François de Sales, Marguerite-Marie Alacoque, Thérèse de Lisieux, Charles de Foucauld…

Le cinquième et dernier chapitre approfondit la dimension sociale et missionnaire de la dévotion au Cœur du Christ: à partir du moment où il « nous conduit au Père », il « nous envoie vers nos frères » (n. 163): l’amour pour nos frères est l’« acte plus grand que nous puissions offrir pour Lui rendre amour pour amour » (n. 167).

L’encyclique se conclut par cette prière du pape François, qu’il est parti prolonger de l’autre côté du voile : « Je prie le Seigneur Jésus-Christ que jaillissent pour nous tous de son saint Cœur ces fleuves d’eau vive qui guérissent les blessures que nous nous infligeons, qui renforcent notre capacité d’aimer et de servir, qui nous poussent à apprendre à marcher ensemble vers un monde juste, solidaire et fraternel. Et ce, jusqu’à ce que nous célébrions ensemble, dans la joie, le banquet du Royaume céleste. Le Christ ressuscité sera là, harmonisant nos différences par la lumière jaillissant inlassablement de son Cœur ouvert. Qu’il soit béni ! » (n. 220).

Plus puissant que la bombe atomique
Le pape François rejoint ainsi l’expérience d’un autre jésuite, un Espagnol, ancien général, Pedro Arrupe (1907-1991), qui n’a pas été irradié à Hiroshima, où il se trouvait pourtant au moment de l’explosion de la bombe atomique, le 6 août 1945. Un phénomène inexpliqué pour les médecins japonais. Lui-même médecin, il se mettra immédiatement au service des victimes de la bombe, ainsi que les autres jésuites présents dans la même maison: aucun n’a été atteint. Pedro Arrupe, dont le pape François admirait son souci des pauvres, concluait: « Le Cœur de Jésus est plus puissant que la bombe atomique. »

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