Light
Dark

Le pape François, premier pape jésuite : «le jésuite est un serviteur de la joie de l’Évangile»

Photo :  © capture-vaticaninfo.com; le Père Général Arturo Sosa, Jesuits Global, le 21 avril 2025

« Le pape François a mis en évidence un point que nous pouvons considérer comme un élément essentiel » de l’« identité » des jésuites, affirme le Père Général de la Compagnie de Jésus Arturo Sosa. En s’adressant à ses confrères lors de la 36e Congrégation générale (octobre 2016), le pape François a dit que « le jésuite est un serviteur de la joie de l’Évangile, quelle que soit la mission dans laquelle il est engagé ». « De cette joie, écrit Sosa, découle notre obéissance à la volonté de Dieu, notre envoi au service de la mission de l’Église, ainsi que nos apostolats et notre disponibilité au service des pauvres. »

Le jour de la mort du pape, le 21 avril 2025, le Père général de la Compagnie a adressé une lettre aux jésuites du monde dans laquelle il a exprimé une affection de ses confrères au pape : « Nous sommes … affectés par le départ de notre cher frère dans la mínima Compañía de Jesús, Jorge Mario Bergoglio. Dans cette Compagnie, nous avons partagé le même charisme spirituel et la même suite de notre Seigneur Jésus Christ », a-t-il écrit.

P. Sosa s’est souvenu de plusieurs rencontres de jésuites de pays différents avec le pape : « Quand il s’adressait à nous, ses frères jésuites, le Pape François insistait toujours sur la priorité suivante : réserver un espace suffisant, dans notre vie-mission, à la prière et à la prise en compte de l’expérience spirituelle. »

Il a cité un extrait de la lettre que le pape lui a adressée en 2019 : « Il suffit ici de rappeler ce qu’il m’écrivait le 6 février 2019 dans la lettre par laquelle il approuvait et confirmait les Préférences Apostoliques Universelles : La première préférence (montrer la voie vers Dieu à l’aide des Exercices Spirituels et du discernement) est fondamentale car elle présuppose la relation du jésuite avec le Seigneur, dans une vie de prière et de discernement personnels et communautaires. Je te recommande d’insister sur ce point, dans ton service de Supérieur Général. Sans cette attitude de prière, le reste ne tiendra pas. » 

Le Père Général a invité à prier pour le repos de l’âme du pape François.

Voici sa lettre :

Décès du Pape François

A TOUTE LA COMPAGNIE

Chers Frères,

La Compagnie de Jésus partage la douleur de l’ensemble du peuple de Dieu, réuni en Église, ainsi que la peine de nombreuses autres personnes de bonne volonté, au terme de la vie terrestre du Pape François. Profondément émue, mais sereine, elle est habitée de la ferme espérance en la résurrection, par laquelle le Seigneur Jésus nous a ouvert la porte de la pleine participation à la Vie de Dieu.

Nous éprouvons de la douleur devant la disparition de celui qui a servi l’Église universelle, à travers l’exercice du ministère pétrinien, pendant plus de 12 années. Nous sommes aussi affectés par le départ de notre cher frère dans la mínima Compañía de Jesús, Jorge Mario Bergoglio. Dans cette Compagnie, nous avons partagé le même charisme spirituel et la même suite de notre Seigneur Jésus Christ.

Le désarroi provoqué par son départ est accompagné d’un profond sentiment de gratitude qui jaillit spontanément de nos cœurs : gratitude envers Dieu le Père, riche en miséricorde, pour tant de bien reçu tout au long de la vie de service du Pape François et pour la manière dont il a su guider l’Église durant son pontificat, en communion et en continuité avec ses prédécesseurs dans l’effort de mettre en pratique l’esprit et les orientations du Concile Œcuménique Vatican II.

Le Pape François a scruté attentivement les événements du monde pour offrir à tous une parole d’espérance. Ses extraordinaires encycliques Laudato Si’ et Fratelli tutti ne font pas seulement preuve d’une analyse clairvoyante de la situation de l’humanité, mais elles proposent aussi, à la lumière de l’Évangile, des pistes pour s’attaquer aux causes de tant d’injustices et promouvoir la réconciliation. Pour le Pape François, le dialogue mutuel, entre rivaux politiques, religions ou cultures, constitue le chemin d’une inlassable promotion de la paix et de la stabilité sociale, passant par la création d’un contexte propice à la compréhension réciproque, l’attention à l’autre et l’entraide solidaire. En de nombreuses occasions, nous avons été témoins de ses paroles, de sa réflexion pastorale et de son activité inlassable, que ce soit de sa propre initiative ou en participant à des initiatives prises par d’autres, qui manifestaient sa conviction inébranlable de la valeur de la parole et de la rencontre. Comment ne pas rappeler l’extraordinaire moment de prière auquel il a invité, en mars 2020, face à l’urgence du coronavirus, sur une place Saint-Pierre déserte ? Ou sa préoccupation constante pour la paix, dans un contexte d’intolérance et de guerres qui menacent la coexistence internationale et causent d’indicibles souffrances aux plus faibles ? Ou la façon dont son cœur battait au rythme de l’immense flux des migrants contraints au départ partout dans le monde, et spécialement des migrants contraints à risquer leur vie dans la traversée de la Méditerranée.

Les paroles prononcées par le Pape François le soir du 13 mars 2013, alors qu’il saluait les fidèles rassemblés sur la place Saint-Pierre pour fêter le Pape nouvellement élu, expriment deux aspects essentiels de son ministère : l’importance de marcher ensemble, évêque et peuple, sur un chemin de fraternité, d’amour, de confiance, d’espérance, et la centralité de la prière, en particulier de la prière d’intercession.

Ce « cheminer ensemble » s’est traduit concrètement dans l’importance donnée au développement du Synode des Évêques et dans l’attention accordée à la synodalité comme dimension constitutive de l’Église, qui, loin de diminuer la primauté de Pierre ou la responsabilité épiscopale, permet à celle-ci de s’exercer dans une participation plus grande de tous les baptisés, du peuple de Dieu en marche, en reconnaissant la présence et l’action du Seigneur, par son Esprit Saint, dans la communauté ecclésiale.

L’invitation à la prière que le Pape François a adressée cette nuit-là à tous les fidèles est restée gravée dans notre mémoire : Prions ensemble, évêque et peuple. Je vous demande de prier le Seigneur pour qu’il me bénisse. Tout au long de son pontificat, il a conclu ses discours, y compris l’Angélus du dimanche, par la même invitation : s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Il ne s’est jamais lassé de rappeler que la prière naît de la confiance et de la familiarité avec Dieu et que nous pouvons découvrir en elle le secret de la vie des saints (cf. l’audience générale du 28 septembre 2022).

Quand il s’adressait à nous, ses frères jésuites, le Pape François insistait toujours sur la priorité suivante : réserver un espace suffisant, dans notre vie-mission, à la prière et à la prise en compte de l’expérience spirituelle. Il suffit ici de rappeler ce qu’il m’écrivait le 6 février 2019 dans la lettre par laquelle il approuvait et confirmait les Préférences Apostoliques Universelles : La première préférence (montrer la voie vers Dieu à l’aide des Exercices Spirituels et du discernement) est fondamentale car elle présuppose la relation du jésuite avec le Seigneur, dans une vie de prière et de discernement personnels et communautaires. Je te recommande d’insister sur ce point, dans ton service de Supérieur Général. Sans cette attitude de prière, le reste ne tiendra pas. Il réaffirmait par là son exhortation aux membres de la 36ème Congrégation Générale (rencontre du 24 octobre 2016), lorsqu’il nous avait fortement recommandé de demander sans cesse la consolation, en nous laissant toucher par le Seigneur cloué sur la croix, qui nous entraîne à nous mettre au service des crucifiés du monde d’aujourd’hui.

En cette même occasion, le Pape François a mis en évidence un point que nous pouvons considérer comme un élément essentiel de notre identité. Comme s’il répondait à une question implicite sur ce qu’est un jésuite, il s’est adressé à l’assemblée en affirmant : le jésuite est un serviteur de la joie de l’Évangile, quelle que soit la mission dans laquelle il est engagé. De cette joie découle notre obéissance à la volonté de Dieu, notre envoi au service de la mission de l’Église, ainsi que nos apostolats et notre disponibilité au service des pauvres. Cette joie doit caractériser notre manière de procéder pour que celle-ci soit ecclésiale, inculturée, pauvre, orientée vers le service, libre de toute ambition mondaine.

L’appel à la joie, qui provient du Crucifié-Ressuscité et de son Évangile qui proclame une bonne nouvelle de consolation, a été un trait constant du pontificat du Pape François. Ce n’est pas un hasard si nombre de ses documents magistériels, à commencer par l’exhortation apostolique Evangelii Gaudium qui oriente son pontificat, comportent dans leur titre cette référence à une joie profonde, qu’il considérait comme indispensable.

Ce sera précisément sur la base d’une relation vivante et vivifiante avec le Seigneur, fondée sur la consolation et la joie, que nous pourrons être dans l’action pastorale, et plus encore dans le témoignage d’une vie entièrement consacrée au service de l’Église, Épouse du Christ, ferment évangélique du monde, dans la recherche incessante de la gloire de Dieu et du bien des âmes (réponse du Pape François aux félicitations du Père Adolfo Nicolás à l’occasion de son élection, 16 mars 2013).

Nous gardons en mémoire, avec un cœur reconnaissant, l’attention discrète et constante du Pape François à la Compagnie de Jésus, à sa vie et à son apostolat. Beaucoup d’entre nous ont pu le rencontrer en divers pays du monde. Il a toujours eu du temps pour un partage franc et fraternel avec les jésuites qui vivaient et travaillaient dans les lieux qu’il visitait.

Nous accompagnons de tout cœur et de toute notre prière le Pape François dans sa rencontre définitive avec Dieu, amour inconditionnel et miséricorde infinie, dont il nous a montré le visage par sa vie et son enseignement. Confiants que le Seigneur accueille son fidèle Serviteur au banquet du ciel, et encouragés par son exemple, nous renouvelons notre désir et notre engagement à suivre Jésus pauvre et humble et à servir son Église.

Arturo Sosa, SJ
Supérieur Général

Rome, le 21 avril 2025
Lundi de Pâques
(Original : espagnol)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *