Photo : compte X de l’Élysée
Anita Bourdin
Donald Trump et Volodymyr Zelensky face à face, sans interprète, ce samedi 26 avril 2025, dans la basilique Saint-Pierre de Rome: les images de leur dialogue à la faveur des funérailles du pape François ont fait le tour du monde.
Deux fauteuils rouges et or ont été placés à deux pas du blason du pape Jean-Paul II, face à face, sur le côté gauche de la basilique vaticane, alors que les chefs des délégations étrangères continuaient d’entrer par la nef centrale pour aller se recueillir devant le cercueil du pape François, placé auprès du tombeau de saint Pierre. D’autres fauteuils étaient préparés mais la rencontre entre quatre yeux a été privilégiée. Une atmosphère cordiale nouvelle après la rencontre dramatique dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche à Washington, le 28 février dernier.
La basilique est alors devenue en quelque sorte un espace de dialogue ouvert par la diplomatie vaticane à la faveur de la circonstance historique des funérailles du pape François qui a, jusqu’au bout de sa vie, plaidé pour la fin des conflits.
N’a-t-il pas lancé un appel à la paix, dimanche dernier encore, dans son message de Pâques, lu depuis la loggia des bénédictions de Saint-Pierre, en sa présence, par Mgr Diego Ravelli, son cérémoniaire? « Que le Christ Ressuscité répande le don pascal de la paix sur l’Ukraine meurtrie et encourage tous les acteurs à poursuivre les efforts pour parvenir à une paix juste et durable », a écrit le pape.
Les papes et leur diplomatie s’inscrivent, on le sait, dans le camp de la paix, pas dans l’un ou l’autre camp, – même si chaque camp peut déplorer qu’ils ne choisissent pas le leur -, et ils tentent de faire bouger les lignes en direction de la paix. Ainsi, le pape François, qui n’a eu de cesse de dénoncer une « troisième guerre mondiale par morceaux », a voulu que la diplomatie vaticane continue d’être cet espace de dialogue pour construire la paix: « Je voudrais que nous recommencions à espérer que la paix est possible ! », disait-il encore, la veille de sa mort. Il s’agit, expliquait le cardinal Re, dans son homélie pour la messe des funérailles, de contribuer à « faire renaître une aspiration mondiale à la fraternité ».
Cette rencontre, certes privée, mais non moins spectaculaire entre le président américain et le président ukrainien a duré entre 10 et 15 minutes, vers 9h 45, avant la messe de funérailles.
Une rencontre « très » constructive
La Maison Blanche a rapidement parlé sur X (Twitter) d’une « rencontre très constructive pour faire avancer la cause de la paix ».
Le président Trump a pour sa part exprimé son scepticisme sur la volonté de Vladimir Poutine de mettre fin à sa guerre en Ukraine, dans un message sur le réseau Truth social: « Il n’y avait aucune raison pour que Poutine tire des missiles sur des zones civiles, des villes et des villages, ces derniers jours. »
Il a évoqué la possibilité de nouvelles sanctions: « Cela me fait penser qu’il ne veut peut-être pas arrêter la guerre, qu’il me balade et qu’il faut le traiter différemment, par le moyen de “sanctions bancaires” ou de “sanctions secondaires” ? Trop de gens meurent !!! »
Le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre britannique Keir Starmer se sont à un moment rapprochés des deux présidents, dans une atmosphère cordiale qui laissait espérer effectivement une avancée diplomatique en direction la paix. La photo des quatre hommes d’État, debout, a été postée sur le compte X de l’Élysée avec comme légende: « Pour la paix ».
Pour sa part, le compte X du président Trump a publié des images et des vidéos des obsèques du pape François et de la rencontre avec le président ukrainien. Et dans l’avion qui le ramenait aux États-Unis, le président américain a déclaré à la presse que l’obstacle à la paix venait actuellement du président Poutine… Une position qui a donc légèrement bougé mais, selon les observateurs, pourrait encore changer.
Le président ukrainien a, de son côté, posté ce message sur X: « Bonne rencontre. Nous avons beaucoup discuté seul à seul. On espère des résultats sur tout ce dont on a parlé. Protéger les vies de notre peuple. Cessez-le-feu total et inconditionnel. Une paix fiable et durable qui empêchera qu’une nouvelle guerre n’éclate. Rencontre très symbolique qui pourrait devenir historique, si l’on arrive à des résultats ensemble. Merci au président des États-Unis. »
Le président Macron et le président Trump se sont ensuite serré la main au cours de la messe, sur le parvis de Saint-Pierre. Le président Trump a également serré la main de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, qu’auparavant, il n’avait pas souhaité recevoir, à l’occasion de la crise douanière internationale.
L’Élysée avait annoncé qu’il n’y aurait pas de rencontres diplomatiques à l’occasion de ces funérailles. Mais le président Macron n’en a pas moins reçu ensuite le président Zelensky à la Villa Bonaparte, le siège de l’ambassade de France près le Saint-Siège. La France entretient aussi à Rome une ambassade en Italie et une représentation auprès des organismes de l’ONU ayant leur siège dans la Ville Éternelle, comme la FAO, le PAM et l’IFAD. Les deux présidents ont marché dans le jardin de la Villa Bonaparte, avant de s’asseoir à une table dehors.
Rencontres avec le président français et Keir Starmer
Le président français a ensuite posté sur son compte X un message évoquant un « échange très positif » avec le président ukrainien : « Mettre fin à la guerre en Ukraine. C’est l’objectif que nous partageons en commun avec le Président Trump. L’Ukraine est prête à un cessez-le-feu inconditionnel. Le Président Zelensky me l’a redit aujourd’hui. Il souhaite travailler aux côtés des Américains et des Européens pour le mettre en œuvre. Au Président Poutine désormais de prouver qu’il veut vraiment la paix. Nous continuerons nos travaux dans le cadre de la coalition des volontaires lancée à Paris en mars dernier, pour parvenir à la fois à ce cessez-le-feu et à une paix complète et durable en Ukraine. »
Le président ukrainien rend compte de cette rencontre en disant: « Lors de ma rencontre avec le Président @EmmanuelMacron, nous avons discuté de la voie vers un cessez-le-feu complet et inconditionnel et de la nécessité de faire pression sur la Russie pour qu’elle l’établisse. J’ai décrit les conséquences des attaques russes sur Kryvyi Rih, Soumy et Kiev. Pour protéger la vie des Ukrainiens, il est essentiel de renforcer notre défense aérienne. Nous comptons sur le soutien de nos partenaires. Je remercie Emmanuel pour son soutien indéfectible à l’Ukraine et pour tous les efforts qui aident notre peuple à perdurer et à rapprocher la paix. »
Même terme de « cessez-le-feu complet, inconditionnel » pour ce qui est du message après un dialogue avec le Premier ministre britannique Keir Starmer, rencontré à Rome également par le président Zelensky: « Nous avons résumé les résultats des réunions entre les représentants de l’Ukraine, des États-Unis, de la France, du Royaume-Uni et de l’Allemagne à Paris et à Londres. Nous poursuivrons notre travail au sein de la Coalition des volontaires. Le cessez-le-feu inconditionnel doit être réalisé dans les airs, en mer et sur terre, et doit devenir le premier pas vers l’établissement d’une paix juste avec des garanties de sécurité fiables. Seules des garanties solides peuvent assurer une paix durable et protéger la vie des gens. »
La paix et la crise douanière, le rôle de l’Europe
Un autre front de la « diplomatie » autour des funérailles, celui de la crise des taxes douanières. Il semble que le président Trump penche pour un apaisement avec l’Europe et qu’il soit disposé à rencontrer Ursula von der Leyen. La présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, qui a reçu le président américain, le lui a demandé. Et le président américain lui aurait répondu: « On va le faire ». Il reste 80 jours, pour trouver un accord, selon le moratoire de 90 jours que les États-Unis ont décidé.
Le président Trump a, de fait, salué Mme Ursula von der Leyen, place Saint-Pierre, à la fin de la messe, brièvement, convenant d’organiser une réunion bilatérale future.
Le président Zelensky a posté un message sur X pour évoquer sa rencontre avec Mme Meloni à propos de l’Ukraine: « Aujourd’hui, à Rome, j’ai rencontré le Président du Conseil des ministres de l’Italie, @GiorgiaMeloni. Nous avons discuté de l’importance des garanties de sécurité pour l’Ukraine et des efforts visant à rétablir la paix et à protéger des vies. Il y a 46 jours, l’Ukraine a accepté un cessez-le-feu complet et inconditionnel, et pendant 46 jours, la Russie a continué à tuer notre peuple. Par conséquent, une attention particulière a été accordée à l’importance d’exercer des pressions sur la Russie. J’apprécie la position claire et de principe de Giorgia Meloni. Je l’ai également informée des réunions constructives tenues par la délégation ukrainienne avec des représentants des États-Unis, de la France, du Royaume-Uni et de l’Allemagne à Paris et à Londres. Il y a une position commune : un cessez-le-feu inconditionnel doit être le premier pas vers une paix durable en Ukraine. »
Les enfants ukrainiens déportés
Le président Zelensky a aussi rencontré le cardinal Pietro Parolin, et, samedi soir, il a publié ce message dans lequel il remercie le Saint-Siège: « Notre conversation a porté en particulier sur la voie vers une paix juste et durable, ainsi que sur les efforts de l’Ukraine, des États-Unis et de l’Europe pour établir un cessez-le-feu complet et inconditionnel. Je suis reconnaissant du soutien apporté par l’Ukraine au droit à l’autodéfense et du principe selon lequel les conditions de la paix ne peuvent être imposées au pays victime. Nous comptons sur le Saint-Siège pour continuer à nous aider à unir les efforts internationaux afin de parvenir à la paix, de rapatrier les enfants ukrainiens déportés par la Russie et de libérer les prisonniers. »
Le président ukrainien a rencontré le cardinal Matteo Zuppi, archevêque de Bologne, figure importante de la Communauté de Sant’Egidio connue pour ses engagements pour la paix et les missions délicates. V. Zelensky a rendu compte également de cet entretien en mentionnant l’aide reçue pour les enfants ukrainiens: « Il est très important pour nous d’être en Italie aujourd’hui et de nous unir avec le monde entier. Nous sommes reconnaissants de l’aide du Vatican à l’Ukraine pour faciliter le retour des enfants ukrainiens illégalement déportés et déplacés par la Russie et la libération des prisonniers. C’était l’un des thèmes clés de notre rencontre avec le cardinal Matteo Zuppi. La chose la plus importante pour notre État est de ramener tous nos gens, de ramener plus de vies à la maison, à leurs proches, à leurs familles. Il y a beaucoup d’enfants qui sont retenus contre leur gré en Russie. Nous voulons les ramener chez eux, et c’est pourquoi nous nous tournons une fois de plus vers le Vatican pour obtenir une telle aide. »
Enfin, notons qu’aux funérailles du pape, le président Vladimir Poutine était représenté par sa ministre de la culture, Olga Lyubimova, accompagnée de M. Rustam Abiev et de Mme Alina Ivashchenko. Quant à la délégation du patriarcat de Moscou, elle était conduite par le métropolite de Volokolamsk, Antonij, président du Département pour les relations ecclésiastiques extérieures du patriarcat de Moscou, accompagné du métropolite Platon (Udovenko) de Feodosija et Kerch, du P. Ioann Krylov et M. Ivan Nikolaev. Mais il n’est pas fait état pour le moment de contacts diplomatiques spécifiques avec la Fédération de Russie à l’occasion de cette journée romaine historique. Toutefois, on sait que la diplomatie vaticane aime travailler en silence.
La veille de la rencontre de Rome, Vladimir Poutine avait déclaré, vendredi à l’envoyé de Donald Trump, Steve Witkoff, lors de leur entretien, être prêt à négocier l’issue du conflit en Ukraine, comme l’a indiqué, ce même samedi 26 avril, Dimitri Peskov, porte-parole du Kremlin, selon des agences de presse russes: « Vladimir Poutine a réaffirmé que la partie russe était prête à reprendre le processus de négociation avec l’Ukraine sans aucune condition préalable. »