Photo : © don-bosco.net; le pape François et le cardinal Angel Fernandez Artime
Anita Bourdin
Au moment où les cardinaux réunis en congrégation générale évoquent une herméneutique de la continuité entre les pontificats de Jean-Paul II, Benoît XVI et le pape François, pourquoi ne pas évoquer le charisme de Don Bosco dont le pape François, qui s’en est imprégné depuis son enfance, a continué d’être porteur?
De Don Bosco, le pape François a, par exemple, tiré son rappel constant de la nécessité d’« aller vers la périphérie », sa grande proximité avec les enfants, en particulier ceux porteurs de handicap, et les jeunes; sa façon d’associer la sainteté et la joie, à la manière de François de Sales, inspirateur de Don Bosco, qui aimait dire « un saint triste est un triste saint » (cf. Evangelii Gaudium).
Les cardinaux salésiens au conclave
Rappelons que le premier Salésien de Don Bosco à avoir été créé cardinal fut Giovanni Cagliero, camarade de classe de Dominique Savio et de Michel Rua, parti comme missionnaire en Uruguay et… en Argentine. Il devint cardinal en 1915, par décision du pape Benoît XV.
Aujourd’hui, le collège cardinalice compte 11 cardinaux salésiens, dont cinq de moins de 80 ans, et donc électeurs (sur 133): Ángel Fernández Artime (64 ans, Espagne), Charles Maung Bo (76 ans, Birmanie), Cristóbal López Romero (72 ans, Rabat, Maroc), Daniel Fernando Sturla Berhouet (65 ans, Uruguay) et Virgilio do Carmo da Silva (57 ans, Timor Oriental).
Parmi eux, l’ancien responsable de la congrégation des salésiens, le cardinal espagnol Ángel Fernández Artime, également ancien pro-préfet du dicastère pour la vie consacrée, n’apparaît pas en tête des paris sur le prochain pape, mais il sera porteur, au conclave des valeurs salésiennes. Il est âgé de 64 ans et cardinal depuis le 30 septembre 2023.
Le pape François et le charisme de Don Bosco
L’année précédente, le 30 janvier 2022, à la veille de la fête de saint Jean Bosco (1815-1888), fondateur de la Société de saint François de Sales, le pape François a voulu « saluer les Salésiens, qui font tant de bien dans l’Église ».
Il a présenté ses « meilleurs vœux à tous les salésiens et aux salésiennes » à l’issue de la prière de l’angélus dominical en disant: « Pensons à ce grand saint, père et maître de la jeunesse. Il ne s’enfermait pas dans la sacristie, il ne s’enfermait pas dans ses affaires. Il est sorti dans la rue à la recherche des jeunes, avec cette créativité qui était sa caractéristique. »
Le pape François a aussi raconté qu’il avait « suivi la messe célébrée dans le sanctuaire de Marie-Auxiliatrice (à Turin) par le recteur majeur Ángel Fernández Artime » et qu’il avait « prié avec lui pour tous ».
Rappelons que le charisme de don Bosco a été présent, en la personne du p. Enrique Pozzoli, dans la vie du jeune Jorge Mario Bergoglio, futur pape François. Le prêtre salésien a joué un rôle important dans la vie du pape et de sa famille : c’est grâce au père Pozzoli que les parents du pape, Mario José Francisco Bergoglio et Regina Maria Sivori Gogna, se sont rencontrés et qu’ils se sont mariés le 12 décembre 1935. Il les a aidés financièrement lorsqu’ils ont été ruinés, pour leur permettre un nouveau départ. Il a permis aux plus grands, don Jorge Mario, d’étudier dans un collège salésien quand la maman a été fatiguée par une nouvelle naissance.
Complicité dès l’enfance
C’est aussi par le père Pozzoli que Jorge Mario avait été baptisé le jour de Noël, le 25 décembre 1936, à Buenos Aires.
Et c’est le père Pozzoli qui est « intervenu de façon décisive » pour la vocation du jeune Jorge Bergolio, qui s’était confié à lui, et il est devenu son père spirituel.
À l’occasion du 29e anniversaire de la mort du père Pozzoli, en octobre 1990, le pape a écrit une lettre au P. Cayetano Bruno, historien de l’Église en Argentine. Il a confié, entre autres : « Chaque jour, je le nomme dans l’office divin lorsque je prie pour les défunts… Et, croyez-moi, je me réjouis de ce sentiment de gratitude que le Seigneur me donne. »
Le pape François, qui est souvent vu comme le « plus salésien des jésuites », a expliqué l’influence de don Bosco dans une préface du livre « Evangelii gaudium avec don Bosco » (publié en 2019 par les Salésiens italiens des éditions Elledici) : « Son message était révolutionnaire à une époque où les prêtres vivaient détachés de la vie du peuple. »
Don Bosco apportait son élan missionnaire dans la « périphérie sociale et existentielle », a écrit le pape: il apportait « la joie et le soin d’un véritable éducateur à tous les jeunes qu’il arrachait des rues ».
« Le salésien » selon le défunt pape, « est un éducateur qui embrasse les fragilités des jeunes qui vivent dans la marginalisation et sans avenir, il se penche sur leurs blessures et les soigne comme un bon Samaritain ».
Voici un article du site de Don Bosco en français à l’occasion de la réception de sa barrette de cardinal par le cardinal des Asturies, Angel Fernandez Artime, qui fut naguère le 10e successeur de Don Bosco (don-bosco.net).
Le dernier cardinal « créé » parmi les salésiens
Le « père Ángel » est né le 21 août 1960 à Gozón-Luanco, en Espagne, dans la région des Asturies. Il a fait sa première profession religieuse à l’âge de 18 ans et il a prononcé ses vœux perpétuels en 1984 (à 24 ans) à Saint-Jacques-de-Compostelle. Il est prêtre depuis 1987.
Titulaire de diplômes en théologie pastorale, en philosophie et en pédagogie, il a exercé plusieurs missions en Espagne. Il a notamment été délégué à la pastorale des jeunes. Mais en 2009, à l’âge de 49 ans, il a été invité à traverser l’Atlantique pour devenir le supérieur de la Province d’Argentine du Sud, basée à Buenos Aires. À cette époque, il a eu l’occasion de rencontrer et de travailler personnellement avec l’archevêque de Buenos Aires de l’époque, le cardinal Jorge Mario Bergoglio, futur pape François.
En mars 2014, il est élu par le 27e Chapitre général comme nouveau « Recteur majeur » de la Congrégation salésienne et 10e successeur de Don Bosco. Six ans plus tard, en 2020, il a été confirmé par le 28e Chapitre Général à ce poste pour un second mandat de six ans. Un mandat qui aurait dû se terminer en 2026, s’il n’avait été appelé à Rome par le pape François.
Confidence lors de son cardinalat
Dans un courrier adressé aux salésiens du monde entier, ainsi qu’à toute la famille salésienne, le père Angel a exprimé sa « surprise » quand le pape l’a appelé à être cardinal. Il a expliqué qu’une demi-heure après l’annonce, le pape François lui a envoyé un courrier – remis en mains propres – pour lui demander de venir « lui parler le plus tôt possible ».
Pour « don Angel », cette décision un « don que le pape François nous a fait comme congrégation salésienne et comme Famille de Don Bosco ». Il s’agit notamment pour le pape de « rendre visible une Église en sortie, qui soit un hôpital de campagne où de nombreux jeunes puissent trouver un environnement habité par des personnes qui éduquent, accompagnent et aident à grandir dans la foi », selon les mots du provincial des Salésiens d’Espagne. C’est donc un hommage au travail de la famille salésienne de Don Bosco dans le monde entier. Et une « invitation à poursuivre » leur mission.
Une pédagogie et une spiritualité héritées de Don Bosco
Le provincial d’Espagne, évoquant ce choix, va plus loin : pour lui, cette décision « rappelle également que la vocation salésienne place [les salésiens] au centre de l’Église et [les] met pleinement au service de la mission à laquelle le Seigneur [les] envoie »: « Notre charisme nous amène à travailler avec les jeunes avec une pédagogie et une spiritualité héritées de Don Bosco. Depuis notre naissance, nous nous sentons partie de l’Église avec une fidélité filiale au Successeur de Pierre. Sans aucun doute, la confiance que le Pape François a accordée à l’actuel successeur de Don Bosco est un signe qui nous remplit de joie pour toute la Famille Salésienne. »
« Don Angel » évoque les conséquences de son cardinalat pour la congrégation et la famille salésienne : « Le pape François a considéré la pertinence, pour le bien de notre congrégation, qu’après le consistoire du 30 septembre, je puisse continuer mon service comme recteur majeur jusqu’au 31 juillet 2024 ».
Le nouveau cardinal a en effet dû renoncer à sa charge à la tête des salésiens. Le chapitre général 29, prévu en 2026, a été avancé d’un an et il a élu son nouveau supérieur général, le p. Fabio Attard en mars dernier (cf. https://vaticaninfo.com/2025/03/le-p-fabio-attard-salesien-11e-successeur-de-don-bosco/). La congrégation des salésiens compte 13 750 consacrés répartis en 92 provinces sur les cinq continents.