Photo : © Vatican Media; la chapelle Sixtine; le 6 mai 2025
Gabriel Klum
À la veille de l’entrée en conclave de 133 d’entre eux, les cardinaux insistent sur la nécessité de favoriser la « communion » dans l’Église et de mener à bien les réformes lancées par le pape François. Les travaux sont achevés. Les instruments des votes sont en place.
La douzième et dernière « congrégation générale » des cardinaux, électeurs et non-électeurs, s’est ouverte ce mardi matin, 6 mai 2025, à 9h, par un moment de prière liturgique – comme c’est la coutume -, et en présence de 173 cardinaux, dont 130 électeurs. La rencontre s’est achevée, et avec elle les congrégations des cardinaux, à 12h30. Les cardinaux ont lancé un appel à la paix dans le monde.
La responsabilité de la communion
La session a permis 26 interventions sur de « multiples questions », a révélé le directeur de la salle de presse du Saint-Siège, Matteo Bruni, qui a cité, parmi « les principaux thèmes qui ont émergé »: « la prise de conscience que de nombreuses réformes promues par le pape François doivent être menées à bien : la législation sur les abus, la transparence économique, la réorganisation de la curie, la synodalité, l’engagement pour la paix et la sauvegarde de la création », notamment à partir de « Fratelli tutti » et « Laudato si’ ».
« La responsabilité de l’Église dans ces domaines se fait sentir de manière profonde et partagée », a-t-il rapporté.
Il a insisté sur la « communion » en Église: « Un thème central de réflexion a été celui de la communion, indiquée comme une vocation essentielle pour le nouveau Pontife. Le profil d’un pasteur, d’un maître d’humanité, capable d’incarner le visage d’une Église samaritaine, proche des besoins et des blessures de l’humanité, a été esquissé. En ces temps marqués par les guerres, la violence et une forte polarisation, il y a un fort besoin d’un guide spirituel qui offre miséricorde, synodalité et espérance. Certaines interventions ont abordé des questions de nature canonique, en réfléchissant sur le pouvoir du Pape. »
Et, c’est lié, il a été au contraire également question des divisions: « Le thème des divisions au sein de l’Église et de la société et la manière dont les cardinaux sont aujourd’hui appelés à exercer leur rôle en relation avec la papauté ont également été abordés. »
Dans la ligne de l’enseignement et du témoignage du pape François, les cardinaux ont insisté sur la présence des pauvres dans l’Église et dans le monde: « Il a été question de la Journée mondiale des pauvres, qui est célébrée le dimanche précédant la solennité du Christ-Roi : l’accent a été mis sur la manière dont ces deux anniversaires peuvent être lus l’un par rapport à l’autre, en reconnaissant la présence vivante du Christ dans les pauvres et en rappelant que la véritable royauté de l’Évangile se manifeste dans le service. »
« L’anneau du pêcheur » et le sceau du défunt pape
Parmi les autres thèmes, Matteo Bruni a mentionné la formation chrétienne, les martyrs, la liberté religieuse, le changement climatique, la date de Pâques: « Il a été fait mention de la nécessité de rendre plus significatives les rencontres du Collège cardinalice à l’occasion des consistoires et de promouvoir l’initiation chrétienne et la formation permanente en tant qu’actes missionnaires authentiques. On s’est souvenu des martyrs de la foi, en particulier dans les pays où les chrétiens sont persécutés ou privés de la liberté religieuse. Parmi les urgences pastorales, l’engagement à lutter de manière décisive contre le changement climatique, reconnu comme un défi mondial et ecclésial, a également été réitéré. La réflexion a porté à nouveau sur la date de la célébration de Pâques, sur le Concile de Nicée et sur le dialogue œcuménique. »
La congrégation s’est conclue par la lecture d’un communiqué officiel des cardinaux publié ensuite dans la presse: « Un appel adressé aux parties impliquées dans divers conflits internationaux. Les cardinaux ont appelé à un cessez-le-feu permanent et à l’ouverture de négociations qui conduisent à une paix juste et durable, dans le respect de la dignité humaine et du bien commun. »
C’est au cours de cette dernière rencontre avant le conclave que l’anneau du pape – « l’anneau du pêcheur » – et le sceau de plomb pontifical ont été annulés, de façon à ce qu’ils ne puissent être utilisés frauduleusement pendant la vacance du siège apostolique.
Les travaux sont achevés
Enfin, certaines dispositions pratiques ont été prévues concernant le programme des cardinaux électeurs pendant le conclave.
Les travaux sont achevés dans la Maison Sainte-Marthe et Sainte-Marthe l’Ancienne, où sont logés les 133 cardinaux électeurs, et la centaine de personnes au service du conclave et qui ont juré le secret lundi 5 mai.
Les travaux de rehaussement du plancher sont aussi terminés dans la chapelle Sixtine où quatre rangées de tables ont été disposées avec le nom de chaque cardinal, et, à la place de chacun la Constitution apostolique Universi dominici gregis, promulguée par Jean-Paul II (1978-2005), le 22 février 1996, amendée par 2 Motu proprio de Benoît XVI, en 2007 et 2013, reliée avec une couverture verte, un livre liturgique et un sous-main rouge. Benoît XVI a réaffirmé la nécessité dans tous les cas de la majorité des deux tiers pour une élection pontificale.
Au milieu, un lutrin et un Évangéliaire, comme pour le Concile et les synodes: il symbolise la présence vivante du Christ dans sa Parole, qui préside à l’élection au milieu des cardinaux.
Les outils du vote sont aussi déjà prêts: la liste des cardinaux, en trois ordres, les cardinaux évêques, prêtres, diacres; les urnes pour déposer les bulletins; le fil rouge où ils seront enfilés au fur et à mesure du dépouillement.
Le serment du conclave
Le président de l’assemblée des électeurs, le cardinal vice-doyen du collège des cardinaux (le doyen est le card. Re, âgé de plus de 80 ans), Pietro Parolin, lira la formule du serment par lequel les cardinaux s’engagent à garder le secret sur l’élection, empêcher toute ingérence dans le processus et, s’ils sont élus, et s’ils l’acceptent, exercer fidèlement la charge de « pasteur de l’Église universelle ».
En procession, un à un, les cardinaux jureront ensuite solennellement, la main posée sur l’Évangile. Les cérémoniaires pontificaux distribueront à chacun deux ou trois bulletins de vote, rectangulaires, et portant la mention imprimée, en latin : Eligo in Summum Pontificem [J’élis comme souverain pontife], et un espace blanc pour inscrire le nom de leur candidat.
Puis, en présence du maître des célébrations liturgiques pontificales, Mgr Diego Ravelli, un cardinal désigné par les électeurs proposera une méditation: ce sera le cardinal Raniero Cantalamessa, capucin italien. Puis il sortira à son tour avec Mgr Ravelli, chargé de prononcer la fameuse formule Extra Omnes! – « Dehors tous! ». Des Gardes suisses pontificaux garderont l’entrée principale de la chapelle, les autres issues étant scellées.
Une fois les portes de la Chapelle Sixtine fermées par le dernier des « cardinaux diacres » électeurs, les cardinaux commenceront par tirer au sort 9 d’entre eux: 3 scrutateurs, 3 délégués « infirmarii » pour recueillir les votes des éventuels malades retenus à Sainte-Marthe, et 3 réviseurs, pour vérifier le travail des scrutateurs, responsables du dépouillement, près de l’autel, sous la fresque du Jugement dernier de Michel-Ange.
Le vote, devant Dieu
Chaque cardinal écrira à la main – de façon à ce que son écriture ne porte pas de signe distinctif – le nom de celui qu’il a choisi. Une fois son bulletin plié deux fois, chacun se rendra jusqu’à l’autel, la main levée en montrant clairement son bulletin, pour le glisser dans l’urne à l’aide d’un petit plateau, en disant: « Je prends à témoin le Christ Seigneur qui me jugera que je donne ma voix à celui que, selon Dieu, je juge devoir être élu ». Puis il s’inclinera devant l’autel avant de rejoindre sa place.
Les trois « infirmari » doivent eux-mêmes voter avant de porter les bulletins de vote aux cardinaux retenus par leur santé à la Maison Sainte-Marthe, munis d’une urne vide fermée à clef, une fente permettant d’y déposer les bulletins. Une fois revenus, les scrutateurs placeront ces bulletins dans l’urne principale.
Au terme d’un scrutin, l’un des scrutateurs agitera l’urne pour mélanger les bulletins. Ils seront ensuite comptés par un deuxième scrutateur, qui les déposera dans une deuxième urne, vide.
Assis à une table placée devant l’autel, les 3 scrutateurs se passeront chaque bulletin, le dernier étant chargé de lire le nom inscrit et de le noter au fur et à mesure. Il perforera les bulletins avec une aiguille et du fil, les enfilant de façon à ce qu’aucun ne soit perdu. À l’issue du dépouillement, tout d’abord, les scrutateurs feront le compte des voix obtenues et ils noteront les résultats sur une feuille. Ensuite, les cardinaux réviseurs vérifieront les bulletins et le relevé des suffrages.
À part demain après-midi (un seul vote possible, après le serment de 133 cardinaux, entre 16h30 et 19h30), il pourrait chaque jour y avoir deux scrutins le matin et deux l’après-midi.
Si un candidat remporte les deux tiers de suffrages (89), des applaudissements éclateront, tandis qu’on achèvera le dépouillement. L’élu aura quelques minutes pour réfléchir et dire s’il accepte ou nom et choisir un nom. Deux questions qui seront posées par le cardinal vice-doyen Parolin.
Il peut ne pas accepter: liberté!
S’il accepte, le conclave est fini, ainsi que la période de « vacance » du siège apostolique. Les cardinaux s’avancent alors vers le nouveau pape pour faire acte d’obédience.
Et avant de se montrer ensuite à la loggia centrale de la basilique Saint-Pierre, le 267e pape passera dans la « chambre des pleurs » où déjà l’attendent les soutanes blanches confectionnées par Raniero Mancinelli, et de trois tailles différentes, ainsi que le camail et l’étole pour la bénédiction urbi et orbi.
Le cardinal protodiacre, Dominique Mamberti, apparaîtra enfin à la loggia pour annoncer « Habemus papam », et le nom du cardinal élu et son nom de pape. Le nouveau pape s’adressera à la foule avant de prononcer la bénédiction.