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Réflexions dominicales : « que signifie concrètement ‘suivre le Christ’ ?», par Mgr Follo

Photo : © capture-vaticaninfo.com; CR1

Ancien observateur permanent du Saint-Siège auprès de l’UNESCO (2002-2021), journaliste, professeur de philosophie et d’anthropologie culturelle, Mgr Francesco Follo réfléchit sur les textes bibliques du dimanche 29 juin 2025, dans son blog Riflessioni domenicali.

Mgr Follo explique ce que signifie « suivre le Christ » : « Nous sommes appelés à devenir un écho de l’événement du Christ, écrit-il, à devenir nous-mêmes ‘un événement’, parce que le christianisme, avant d’être un ensemble de doctrines ou une règle pour le salut, c’est l’ ‘événement’ de la rencontre avec le Christ. »

Mgr Follo note qu’ « en demandant à ses disciples de le suivre, Jésus les a appelés à vivre avec et comme lui et à l’aimer ».

Il cite les paroles du pape François qui disait que suivre le Christ « signifie accomplir continuellement un « exode » de vous-mêmes pour centrer votre existence sur le Christ et sur son Évangile, sur la volonté de Dieu, en vous dépouillant de vos projets ».

Voici les réflexions de Mgr Follo :

Le chrétien est celui qui décide d’écouter le Christ et de le suivre

Rite romain

XIII dimanche du Temps ordinaire – Année C – 1 Roi 19, 16.19-21; Sal 15; Gal 5,1.13-18; Lc 9,51-62
 Toi seul possèdes les paroles de la vie éternelle.

Sequela Christi

« La séquelle (suite) du Christ » est une expression qui décrit synthétiquement toute l’existence chrétienne.

Qu’est-ce que signifie concrètement « suivre le Christ » ?

Cela signifie qu’en demandant à ses disciples de le suivre, Jésus les a appelés à vivre avec et comme lui et à l’aimer.

En quoi consiste-t-elle la suite du Christ ?

Cela signifie que nous sommes appelés à devenir un écho de l’événement du Christ, à devenir nous-mêmes « un événement », parce que le christianisme, avant d’être un ensemble de doctrines ou une règle pour le salut, c’est l’ « événement » de la rencontre avec le Christ, dans lequel nous nous incorporer et avec lequel adhérer filialement à la volonté du Père.

L’événement-Christ n’est pas seulement à comprendre en le reconnaissant. Il faut y adhérer en aimant cette Présence rencontrée qui devient la forme de notre vie dans la vérité et l’amour. 

Si nous méditons avec attention l’Évangile, nous voyons que, au début, pour les premiers disciples, le sens du mot « suivre » était très simple et immédiat : cela signifiait que ces gens avaient décidé de quitter leur profession, leurs affaires, leur vie entière pour aller avec Jésus. Cela signifiait entreprendre une nouvelle profession : celle du disciple. Le contenu fondamental de cette profession était de marcher avec le maître, de totalement se fier de sa guide. 

Ainsi, la suite était à la fois une chose extérieure et une chose très intérieure. 

L’aspect extérieur était de marcher derrière Jésus dans ses errances à travers la Palestine. 

L’aspect intérieur était la nouvelle orientation de l’existence qui n’avait plus ses repères dans les affaires, dans le métier qui lui donnait à vivre, dans sa volonté personnelle, mais qui s’abandonnait totalement à la volonté de l’Autre. 

La raison de vie du Maître était devenue celle du disciple qu’était appelé à se mettre à disposition du Rédempteur. Cela impliquait une renonciation complète de soi-même.  Renonciation radicale que nous pouvons clairement comprendre en lisant certaines scènes de l’Évangile y compris celle de l’Évangile de ce dimanche.

Mais tout cela n’était pas vrai seulement pour les disciples d’il y a deux mille ans, c’est aussi vrai pour chacun de nous, ce qui montre aussi ce que la suite signifie pour nous et ce qu’est pour nous sa véritable essence : c’est un changement intérieur d’existence qui permet notre exode intérieur et extérieur.

Suivre Jésus est un exode vers l’Amour

L’Évangile romain de ce dimanche nous présente le Messie qui se met en marche vers Jérusalem. Jésus prend la route de la Cité sainte (Lc 9,51) avec conscience, courage et décision. Mais l’expression grecque, traduite par l’adverbe « résolument », rend bien l’intensité de l’amour avec lequel le Fils de Dieu accueille et obéit à la volonté du Père.

Jésus-Christ sait qu’à Jérusalem son destin d’amour se réalisera et que sa mission de Rédempteur trouvera son plein accomplissement avec l’arrestation, le procès et la condamnation à mort. Mais sans hésitation et d’un cœur solide et volontaire il s’achemine vers la Cité Sainte, poussé par l’amour pour le Père et pour l’humanité entière. 


Dans cet exode le passage de l’Évangile d’aujourd’hui nous parle de personnages anonymes que le Messie, Pèlerin d’éternité, appelle parce qu’il les aime.

Ce sont des personnes auxquelles chacun de nous peut s’identifier. Ces « anonymes » sont fascinés par le Christ et fort est leur désir de Le suivre de plus près. Celui-ci est devenu leur centre affectif et ils ont l’intuition qu’avec Lui leur vie ne sera plus ni banale ni même désespérée : Jésus transforme l’homme en saint, fait de lui un homme vrai. Alors cela vaut vraiment la peine de Le suivre même si, pour faire cela, ils doivent abandonner leurs vies dans les mains de Dieu.

Suivre Jésus est toujours un exode de soi-même comme a dit le pape François : « C’est le Christ qui vous a appelées à le suivre dans la vie consacrée et cela signifie accomplir continuellement un « exode » de vous-mêmes pour centrer votre existence sur le Christ et sur son Évangile, sur la volonté de Dieu, en vous dépouillant de vos projets, pour pouvoir dire avec saint Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2, 20). Cet « exode » de soi-même, c’est se mettre sur un chemin d’adoration et de service » (Pape François, aux Supérieures générales8 mai 2013). Et ceci ne vaut pas seulement pour les Sœurs, qui étaient en audience chez le pape. 

Tous les chrétiens doivent suivre le Christ, ce qui implique, aujourd’hui comme il y a deux mille ans, qu’il faille aller personnellement à sa recherche, qu’il faille aller avec Lui. Cette aventure implique aussi que l’on sorte de cet enfermement de soi, que l’on brise cet individualisme qui, souvent, caractérise la société de notre temps.

Mais pourquoi centrer notre vie sur le Christ ? Pourquoi tout quitter pour suivre cet homme qui ne promet ni argent ni terres, et ne parle « que » d’amour, de pauvreté et de perfection ? 

Pourquoi Lui seul a-t-il les paroles de la vie éternelle, des paroles qui expliquent la vie. Des paroles qui donnent « sens » et « unité » à une existence qui, autrement, serait perdue et fragmentée. 

Suivre son Prochain : Dieu est avec nous

Ses paroles transforment notre existence, la rendent heureuse dans la vérité d’un amour infini : c’est-à-dire la transforment en une vie sainte. La justice n’étanche par notre cœur. Le Christ appelle à Le suivre et il propose d’aller « au-delà » de la justice, non pas à force de théories sur l’amour, mais en vivant l’expérience de l’amour : expression d’un Amour qui se fait proche de nous et qui triomphe de la mort. 

Le véritable antidote contre la mort n’est pas la vie (qui succombe à la mort), mais l’amour. Qui suit le Christ dans sa vie, vit dans l’amour de Dieu, possède déjà en lui la vie ressuscitée du Christ et, par cette résurrection anticipée qui imprègne sa vie ici-bas, il va à l’encontre de la mort et triomphe contre elle : Car l’amour est fort comme la mort, la passion est implacable comme l’abîme (Ct 8,6). Jean dans la première lettre dit : Nous, nous savons que nous sommes passés de la mort dans la viepuisque nous aimons nos frères. (Jn 1, 14). La grâce en Jésus-Christ devient « avènement ». La mort n’est plus une défaite. En Jésus-Christ la mort est devenue un geste d’amour.

Suivre le Christ est la vie du chrétien : l’Amour est le destin du disciple chrétien (cf. Ep. 1,5). Si nous le suivons, nous sommes amoureusement aux côtés du Christ qui se fait proche de nous. Si nous mettons nos pieds dans ses pas, nous nous rapprocherons certainement et quotidiennement de notre unique destination : Dieu, source de ce bonheur pour lequel nous sommes faits.

En Jésus-Christ Dieu est proche de nous (plus intime que nous-mêmes : Deus intimior intimo meo, disait saint Augustin) et notre prochain devient pour nous une personne à aimer. L’amour que l’on porte à Dieu est un amour parallèle à celui que l’on doit porter à nos frères. Nous devons réapprendre à écouter, à comprendre la Parole, dont chaque homme est porteur.

En Jésus-Christ le désir d’infini, le désir d’être Dieu se réalise, car, en suivant Jésus, Chemin et Vérité, nous imitons Sa sainteté. Le disciple de Jésus ne récuse pas d’être semblable à Dieu, d’être avec Dieu : « Dii estis » (= soyez des Dieux, rappelle saint Paul, « Soyons des Dieux – commentait Bossuet – soyons des Dieux, le Christ le permet pour l’imitation de sa sainteté »). Le disciple l’est dans l’obéissance au Sauveur, dans l’abandon au Père. 

Il y a des décennies on parlait de « Principe Espérance ». Le principe espérance, moi je préfère parler de principe miséricorde. Au nom de ce principe nous, Église du Peuple de Dieu, nous sommes appelés à offrir l’amour du Christ à tous, en leur annonçant ses paroles et ses œuvres, sa proximité et son attachement à panser les plaies spirituelles et matérielles de l’humanité. Le dévouement de Jésus au Père et à notre pauvre humanité, jusqu’au don sacrificiel de son existence nous révèle, et révèle au monde à travers nous, qui est Dieu: Un Amour qui se donne éternellement, un Amour qui, dans une gratuité absolue, se consacre à la création blessée et lacérée par le péché.

Suivre c’est imiter

Suivre Jésus, ça n’est pas seulement s’identifier à Lui, c’est aussi l’imiter, surtout par la virginité. Les apôtres et les autres appelés par Jésus dans l’Évangile d’aujourd’hui n’ont pas adhéré à une organisation, mais sont entrés en communion avec le Seigneur qui les invitait à aller derrière Lui. Ils l’ont imité vraiment et avec amour, et leur cœur a changé, en cœur de pierre il s’est transformé en cœur de chair (cf. Ez 36,28). Suivre Jésus fut pour eux, et cela doit l’être pour nous, une profonde écoute de la vie et une identification au Christ, en devenant ses disciples.

Ici il est important de rappeler que le mariage chrétien et la virginité consacrée sont deux modes « opposés » de vivre dans l’Église la condition du disciple. Toutefois, ces deux modes coïncident avec le fait d’être un symbole accompli des noces du Christ avec l’Église, car nous sommes tous appelés à l’amour parfait.

Certes, pour ce qui est de la virginité il est important de rappeler, par exemple, ce qu’enseigne saint Augustin d’Hippone : « Suivez l’Agneau, car la chair de l’Agneau est vierge elle aussi…. Vous avez bien raison de le suivrepar la virginité du cœur et de la chair, partout où il va. Qu’est-ce en effet que suivre, sinon imiter ? Car le Christ lui-même a souffert pour vous et vous a laissé son exemple, comme dit saint Pierre apôtre « afin que nous suivions ses traces » (1 P2, 21) ». L’amour envers le Christ ne pouvait se contenter de simples liens d’affection avec lui : celui-ci avait un besoin absolu de se manifester en imitant ses vertus et en se conformant, de manière spéciale, à sa vie toute consacrée au bien et au salut du genre humain.

Vous qui êtes des disciples du Seigneur, soyez réellement « virgo sacrata » et « sponsa Christi » en vertu d’une onction de l’Esprit : « L’Esprit consolateur […] aujourd’hui par notre ministère vous consacre avec une nouvelle onction spirituelle » (RCV 29); de même que dans la bénédiction finale il est dit : « L’Esprit saint […] aujourd’hui a consacré vos cœurs  » (RCV 56).

Pour les vierges consacrées, l’amour sans réserve pour le Christ devient « suite » sans conditions et implique une assimilation spéciale à l’Époux qui (la suite) exige implicitement l’observance des conseils évangéliques, afin de conserver une intégrale fidélité à Lui. Une « règle de vie » essentielle définit l’engagement que chacune des vierges consacrées assume avec le consentement de l’évêque, spirituellement et existentiellement. À cet égard, le Pape leur recommande de veiller à ce que votre personne rayonne toujours la dignité d’épouse du Christ et exprime la nouveauté de l’existence chrétienne et l’attente sereine de la vie future ».

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