Light
Dark

Réflexions dominicales : «vivre en une dimension constante d’amour, de dialogue et de don», par Mgr Follo

Photo : © capture-vaticaninfo.com; CR1

Ancien observateur permanent du Saint-Siège auprès de l’UNESCO (2002-2021), journaliste, professeur de philosophie et d’anthropologie culturelle, Mgr Francesco Follo réfléchit sur les textes bibliques du dimanche 15 juin 2025, Fête de la Sainte Trinité, dans son blog Riflessioni domenicali.

Mgr Follo affirme que « dans le mystère trinitaire du Père, du Fils et du Saint-Esprit, nous comprenons la nature divine et l’essence même de Dieu qui est amour, communion, relation, collaboration, don, service, charité, pardon infini ».

Il explique que « rencontrer Dieu, faire l’expérience de Dieu, parler de Dieu, donner la gloire à Dieu, signifie – pour un chrétien qui sait que Dieu est Père, Fils et Saint-Esprit – vivre en une dimension constante d’amour, de dialogue et de don. La Trinité est un mystère lumineux : en nous révélant Dieu, elle a révélé qui nous sommes. »

Voici les réflexions de Mgr Follo :

La vérité de Dieu et la vérité sur l’homme trouvent leur complète révélation dans la Trinité, mystère d’amour et de communion

Fête de la Sainte Trinité – 15 juin 2025

Rite romain : Pr 8,22-31; Ps 8; Rm 5,1-15; Jn 16,12-15

Dieu est co-être (être avec)

La fête d’aujourd’hui ne s’ajoute pas aux précédentes (Noël, Épiphanie, Pâques, Ascension, Pentecôte) pour rappeler un mystère particulier : la Trinité. Mystère reconnu en théorie comme fondamental, mais en pratique enlevé et placé à l’arrière-plan. Mystère auquel il faut penser une fois par an. Ce Mystère est célébré comme la somme de tous ces que – de Noël à Pentecôte – nous avons célébré un par un pour nous faire voir ensemble ce que nous avions contemplé comme les couleurs réfractées dans un prisme.

Le sens de toutes les fêtes de l’année liturgique est toujours la célébration de « Dieu avec nous ». Mais comment Dieu peut-il être « avec nous » si cet « avec » n’est pas toujours appartenu à son essence et à sa vie intime ? Le Mystère trinitaire nous révèle que Dieu est Père « avec » le Fils et « avec » le Saint Esprit.

En ce jour de fête d’aujourd’hui, contemplons donc la Trinité que Jésus nous a fait connaître, le Dieu avec nous (= Emmanuel). Il nous a révélé que Dieu est amour « non pas dans l’unité d’une seule personne, mais dans la Trinité d’une seule substance » (Préface à la Messe d’aujourd’hui). « Il est Créateur et Père miséricordieux ; Il est Fils unique, Sagesse éternelle incarnée, morte et ressuscitée pour nous ; Il est finalement l’Esprit Saint qui fait tout, cosmos et histoire, vers la récapitulation finale complète. Trois personnes qui sont un seul Dieu parce que le Père est amour, le Fils est amour, l’Esprit est amour. Dieu est tout et unique amour, amour pur, infini et éternel. Il ne vit pas dans une splendide solitude, mais est plutôt une source inépuisable de vie qui se donne et se communique sans cesse » (Benoît XVI, 7 juin 2009).

Dans le mystère trinitaire du Père, du Fils et du Saint-Esprit, nous comprenons la nature divine et l’essence même de Dieu qui est amour, communion, relation, collaboration, don, service, charité, pardon infini.

Dans le sillage du Magistère du pape François, je crois utile de souligner le plus bel aspect de notre Dieu, en qui nous avons foi, en nous efforçant de vivre en communion avec Lui  et en qui nous avons mis toute notre espérance. Cet aspect est la miséricorde. Miséricordieux comme le Père, mais tout aussi miséricordieux comme le Christ et comme l’Esprit Saint.

De la croix à la Trinité

Dans la croix de Jésus, toute la Sainte Trinité est impliquée : impliquée dans l’Amour et par Amour ! Parmi beaucoup d’anciens tableaux occidentaux représentant le crucifix soutenu par les bras du Père, je choisis celui du Masaccio (dans l’église de « Santa Maria Novella » à Florence, Italie) où le Saint Esprit, sous forme de colombe, est entre la tête du Père et la tête couronnée d’épines du Christ. Il y a une mystérieuse communion d’Amour entre le Père et le Fils. C’est pour cela que le Christ a pu dire sur la croix, sans hésitation : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 22,34) ; il y a une parfaite communion d’Amour entre le Père et le Fils ! Grâce à cette communion, Jésus a pu dire en mourant avec une confiance filiale : « Père, je remets mon esprit entre tes mains » (Lc 23,46). À partir de ce moment, l’humanité de Jésus, traversée par l’acte d’Amour qui unit le Fils au Père de l’éternité, est devenue source de vie filiale pour tous ceux qui s’ouvrent à Jésus dans l’humilité de la foi : « Mais tous ceux qui l’ont reçu, ceux qui croient en son nom, il leur a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. Ils ne sont pas nés de la chair et du sang, ni d’une volonté charnelle, ni d’une volonté d’homme, ils sont nés de Dieu » (Jn 1, 12-13).

Si Dieu est amour, si c’est le chemin à travers lequel il nous sauve, la Trinité n’est pas un mystère lointain, inconsistant pour notre vie. Ces trois personnes divines qui sont plus « intimes » à notre vie : elles ne sont pas en dehors de nous, comme une épouse, un mari ou des enfants et des amis, mais sont en nous.  Elles « demeurent en nous » (Jn 14,23).

Saint François d’Assise nous donne un grand exemple sur la manière dont la croix est chemin vers la Trinité. En contemplant le Verbe incarné et crucifié, ce grand Saint vécut l’Amour du Dieu-Trinité qui se donne à lui et lui, François, répondit avec un plein don de lui-même. Saint François, changé dans son cœur, devint semblable au Christ aussi en son corps avec les stigmates. Conduit par l’esprit auprès des lépreux, le Saint d’Assise partagea la miséricorde reçue par Dieu le Père, riche en miséricorde. Saint François comprit et nous fait comprendre qu’au moment de mourir, le Christ expira et nous donna son Esprit. Et si le Christ nous donne son Esprit, nous devenons membres du Christ, et vivons de Sa Présence.

Sur la croix, Jésus donna son Esprit, et à ce moment, peu de personnes le reçurent parce que seulement trois personnes étaient restées au pied de la croix : la Vierge Marie, saint Jean et sainte Marie Madeleine. 

Ensuite, le jour même de sa résurrection, le dimanche, lorsqu’il entra dans le cénacle fermé, il le donna aux douze apôtres : « Recevez l’Esprit Saint. »

Puis, Il le donna à l’Église le jour de la Pentecôte : « Il l’a répandu sur nous », dit saint Pierre. Ce don a été en croissance continue jusqu’à aujourd’hui et fait de nous le Temple de la Trinité. 

Le Dieu proche

La liturgie d’aujourd’hui nous rappelle que Dieu n’est pas un Dieu impersonnel, froid et distant. En effet, « Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour » (Ps 102-103, 8), « riche de miséricorde, de grâce et de fidélité » (Eph 4,2 et Ez 34,6).

Le Seigneur ne méprise pas la poussière à partir de laquelle nous sommes faits ; il nous remplit de miséricorde et de pardon. Affirmons avec une grande joie : « bénis soit le Seigneur, le Père et son Fils unique et le Saint Esprit, parce que Dieu est le Père qui nous a tellement aimés jusqu’ à nous offrir son Fils et nous accorder son esprit pour que nous puissions reconnaître Dieu comme Amour infini ».

Rien n’est plus vrai, vivifiant et réconfortant pour nous que la présence de la Sainte Trinité dans notre vie. En fait, rien ne peut exister, agir ou devenir parfait sans les trois personnes divines, sans Dieu. En effet, saint Paul n’hésite pas à affirmer que : « en Lui, nous vivons, bougeons et sommes » (Ac 17,28).

Dieu est proche et nous le pensons loin. Il est dans le réel, dans les évènements et nous le cherchons dans les rêves et dans les utopies impossibles.

Le vrai secret pour entrer en relation avec Dieu est la petitesse, la simplicité du cœur, la pauvreté de l’esprit : toutes ces choses-là sont abîmées en nous par l’orgueil, la richesse et la ruse. Jésus l’avait dit : « si vous n’êtes pas comme des petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. » (Mt 18,3) : c’est-à-dire « vous ne serez pas proches de moi ». Il n’avait certainement pas envie de plaisanter ou de se moquer de nous. Voir ou ne pas voir Dieu dépend de notre œil : si l’œil est simple et pur, il le voit. Si l’œil est méchant et impur, il ne le voit pas.

Puis, si par distraction ou superficialité, nous l’oublions, la douleur ou le mystère pensent à nous en rappeler Sa présence. Certes, le mystère nous entoure, mais c’est un mystère d’amour, à l’image du ventre de notre maman qui nous a contenu pour nous donner la vie. Qu’y-a-t-il de plus vrai et de plus simple que le ventre d’une mère qui porte un enfant ? Comment saisir le mystère de celui qui nous aime ?

La façon plus simple est d’être simples, intelligents et sages comme des enfants qui ont une intuition de base donnée par Dieu. Mais, il ne suffit pas d’être petits, il faut aussi être pauvres. Mais attention : être petits dans l’Évangile ne signifie pas être immatures et pleurnicheurs. Être pauvres ne veut pas dire avoir des vêtements vieux, des chaussures usées et des maisons délabrées. « Petit » – pour les chrétiens – est celui qui ne pose pas sa sécurité en ce qu’il a ou en ce qu’il est, mais c’est celui qui a pleinement confiance en la paternité de Dieu. « Pauvre » est celui qui ne transforme pas en idoles les choses qu’il possède et qui ressent profondément que rien ne peut le rassasié, sauf Dieu Amour.

La Trinité : un mystère qui révèle Dieu et qui nous révèle nous-mêmes

Concernant la Trinité, la chose la plus importante n’est pas de spéculer sur le mystère, mais de rester dans la foi de l’Église, qui est le « bateau » qui conduit à la Trinité.

Nous sommes conduits vers un Dieu « Aimant » (Père), « Aimé » (Fils) et « Amour  » (Saint Esprit) » (St Augustin), qui est amour et dialogue, non seulement parce qu’il nous aime et dialogue, mais parce qu’il est un dialogue d’amour, en lui-même. Mais ceci ne renouvelle pas notre conception de Dieu, mais bien la vérité de nous-mêmes. Si la Bible répète que nous devons vivre dans l’amour, dans le dialogue et dans la communion, c’est parce qu’elle sait que nous sommes tous des « images de Dieu ».

Rencontrer Dieu, faire l’expérience de Dieu, parler de Dieu, donner la gloire à Dieu, signifie – pour un chrétien qui sait que Dieu est Père, Fils et Saint-Esprit – vivre en une dimension constante d’amour, de dialogue et de don. La Trinité est un mystère lumineux : en nous révélant Dieu, elle a révélé qui nous sommes.

Dans la compréhension de cette révélation, les vierges consacrées nous viennent en aide et sont un exemple pour nous. 

Avec la pratique des conseils évangéliques de chasteté, obéissance et pauvreté, ces femmes, qui se sont données complètement à Dieu, vivent avec une intensité particulière le caractère trinitaire, qui marque toute la vie chrétienne. La chasteté des vierges, en tant que dévouement à Dieu avec le « cœur indivisé » (cfr 1Cor 7,32-34), constitue un reflet de « l’amour infini » qui lie les trois personnes divines dans la profondeur mystérieuse de la vie trinitaire.  La « pauvreté » vécue à l’exemple du Christ qui « de riche qu’il était, est devenu pauvre » (2Cor 8,9), devient expression du « don total de soi » que les trois personnes divines se donnent réciproquement. « L’obéissance », pratiquée en imitant le Christ, dont la nourriture était de faire la volonté du Père (cfr Jn 4,34) manifeste la beauté d’une dépendance filiale et non servile, riche de sens de responsabilité et animée d’une confiance réciproque, qui est le reflet dans l’histoire de la correspondance amoureuse des trois personnes divines. (Jean-Paul II, exhortation apostolique post-synodale Vie consacrée, n°21).

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *